Les meilleurs ennemis


Summary: Deux hommes que tout oppose vont se rencontrer grâce à un coup de pouce du destin. L'un est du côté du bien, l'autre du mal. Leur histoire d'amour pourra t'elle survivre à la découverte de la vérité ? (oui, je sais, le résumé est pourri, mais lisez s'il vous plaît, cette fic en vaut la peine ! ^^)

Genre : Slash – NC - 17



Les personnages de cette fiction m'appartiennent entièrement. Merci de ne pas les utiliser.

Ilian s'installa au bar, commanda un cocktail sans alcool et parcourut la piste de danse du regard. Il était encore tôt, seuls quelques habitués se déhanchaient déjà sur la musique assourdissante. Il sirota son verre tranquillement, savourant cette première soirée de tranquillité depuis longtemps. Il attrapa son portable dans sa poche de jean et l'éteignit : il n'avait aucune envie que Viv le dérange. Même s'il le lui avait bien fait comprendre avant de quitter la maison, il savait que sa sœur n'hésiterait pas à l'appeler s'il lui prenait l'envie d'aller faire un tour chez l'un de ses fournisseurs préférés. Le jeune homme rangea son téléphone, puis passa une main dans ses cheveux blonds qui lui tombaient sur les épaules. Pour cette soirée de détente, il s'était mis sur son 31, bien décidé à ne pas finir la nuit tout seul. Son jean noir était moulant, juste ce qu'il fallait pour mettre en valeur sa silhouette fine tout en étant confortable. Sa chemise bleu ciel était assortie à ses yeux clairs et il avait sorti sa veste en cuir, celle qu'il ne mettait que pour les grandes occasions, mais qui se trouvait pour l'instant au vestiaire.

Alors qu'ils parcourait les lieux du regard, ses yeux se posèrent soudain sur un inconnu qui ne pouvait qu'éveiller son intérêt. L'homme était grand, à peu près comme lui et portait un jean bleu et un tee-shirt noir. Sa tenue n'attirait pas les regards, en revanche son visage était celui d'un ange : des traits fins, une peau cuivrée sûrement due à un métissage, des yeux en amande semblables à ceux des asiatiques, une bouche délicieusement tentatrice et de courts cheveux bruns qui retombaient en mèches sur son front. D'où il était, Ilian crut discerner que les iris de l'inconnu étaient d'un vert plutôt inhabituel. Mais il savait que les éclairages de la boîte pouvaient être trompeurs.

Son regard ne quitta pas le bel inconnu lorsque celui-ci s'approcha lentement du bar, apparemment inconscient de l'attention qu'il attirait sur lui. Ilian savait qu'il n'aurait pas d'autre chance de l'aborder et s'approcha rapidement. De près, l'inconnu était encore plus attirant. Son regard vert perçant se posa sur Ilian qui sentit sa température corporelle grimper en flèche. L'homme se pencha vers lui et lui souffla à l'oreille :

- On danse ?

Ilian ne put qu'accepter lorsque l'autre plongea son regard envoûtant dans le sien. Les deux hommes se dirigèrent vers la piste et commencèrent à onduler au rythme de la musique. Ils ne se touchaient pas, mais l'air semblait chargé d'électricité entre eux. Au bout d'un moment, la techno fit place à un slow. Avant qu'il ait eu le temps de réagir, Ilian se trouva emprisonné entre les bras puissants de l'inconnu. Lui qui avait l'habitude de mener les choses se trouvait plutôt désappointé, mais il n'aurait laissé sa place pour tout l'or du monde.

Son visage se retrouvait à quelques centimètres de celui de son bel inconnu. Il n'avait qu'à tendre un peu le cou pour l'embrasser, mais il avait peur de rompre la magie de l'instant. C'est alors que l'autre souffla :

- Je m'appelle Tenshi.

- Ilian.

Ils dansèrent encore un peu en silence, puis Tenshi souffla :

- Bel Ilian... j'ai envie de t'embrasser...

- Ne te gêne pas, répondit le blond.

A peine avait-il fini sa phrase que ses lèvres se retrouvaient captives de celles du brun. Leurs langues se rencontrèrent rapidement alors que le désir enflammait les sens d'Ilian. Lorsqu'ils se séparèrent, ils n'eurent pas besoin de mots. Ils quittèrent la piste, main dans la main, et se dirigèrent vers la sortie de la boîte. Ilian récupéra sa veste en cuir, Tenshi un blouson en jean, puis ils sortirent. L'air était frais dehors. Ils commencèrent à marcher vers le parking qui se trouvait quelques mètres plus loin, mais le brun attrapa soudain le blond par le bras et l'attira dans une ruelle déserte. Là, il le plaqua contre le mur pour l'embrasser avec fougue.

Leurs mains commençaient à tenter de se glisser sous leurs vêtements lorsqu'une sonnerie retentit. Tenshi s'écarta d'Ilian et grogna :

- Désolé...

Il sortit un portable de sa poche, jeta un coup d'œil rapide à l'écran et jura :

- Et merde !

- Un problème ? Demanda Ilian, encore un peu essoufflé du baiser qu'ils venaient d'échanger.

- Je dois partir. Je suis désolé... Mais... si tu le veux bien, on pourrait se revoir pour terminer ce qu'on a commencé ?

- Avec plaisir, sourit le blond.

Tenshi lui tendit un papier :

- C'est mon numéro. Appelle-moi !

Et il partit avant qu'Ilian ait eu le temps de lui donner son propre numéro. Il resta un moment à fixer la carte qu'il avait entre les mains, puis décida de rentrer chez lui. Il n'avait plus le cœur à draguer quelqu'un d'autre après une telle rencontre.


***


Tenshi poussa la porte de la maison en râlant :

- J'espère que c'est important, tu m'as interrompu juste quand...

- C'est la Funambule, répondit une voix grave à l'autre bout de la pièce.

Un homme Noir d'une quarantaine d'années, plus grand que Tenshi, les épaules larges et la carrure massive, s'approcha et lança :

- Tu pilotes !

- Vraiment ? Sourit le métis.

- Oui ! C'est pour te consoler de ce que j'ai interrompu !

- Merci, Mike !

Le jeune homme se rendit dans une autre pièce pour se changer. Il enfila une combinaison vert foncé, plutôt moulante, ornée du kanji japonais signifiant samouraï et une cagoule de la même couleur qui ne laissait voir que ses yeux en amande.




Il rejoignit ensuite Mike, vêtu du même type de combinaison, mais entièrement noire, avec un symbole blanc représentant un aigle aux ailes ouvertes, couvrant tout le torse. Les deux hommes se rendirent dans le garage, puis passèrent une porte dérobée, dissimulée dans le mur du fond. La maison avait été construite à flanc de montagne, à une dizaine de kilomètres de la ville, et le passage qu'ils empruntaient à présent les menaient à une grotte au-dessus de l'habitation. Là, ils montèrent dans un hélicoptère noir que Tenshi fit démarrer et prendre la direction de la mégapole qui s'étendait à leurs pieds.


A peine dix minutes plus tard, ils se posaient sur le toit d'un immeuble désaffecté. Leur appareil, très silencieux, était également invisible aux radars, ce qui leur permettait de circuler dans l'espace aérien de la ville sans risquer de se faire repérer par les forces de police. Au cours du trajet, Mike avait mis Tenshi au courant de la situation et les deux hommes se dirigèrent directement vers leur objectif. Lorsqu'ils y arrivèrent, ils virent une voiture de sport grise stationnée à deux pâtés de maison d'une bijouterie de luxe.

- Elle est déjà là ? Souffla le jeune homme alors que son collègue scrutait les lieux avec des jumelles à infrarouge.

- Sûrement à l'intérieur... Le mieux est d'empêcher sa fuite.

- Je m'occupe de la voiture !

Tenshi se laissa glisser le long du mur de l'immeuble. Il se déplaçait furtivement et rapidement, invisible et silencieux. Arrivé en bas, il se dirigea vers la voiture grise si familière et se camoufla à côté, se fondant dans l'ombre. Il savait que Mike devait s'être posté près de la bijouterie, afin de pouvoir prendre la Funambule en tenailles entre eux dès qu'elle sortirait de là.

L'attente fut de courte durée. Très vite, il aperçut une silhouette se faufiler hors du bâtiment et se diriger vers lui. Alors qu'il s'apprêtait à bondir pour empêcher la Funambule d'entrer dans sa voiture, une autre personne émergea soudain du néant et lui fonça dessus. Tenshi roula sur le sol pour éviter l'intrus. Celui-ci se jeta à nouveau sur lui et tenta de le frapper au visage, mais le métis fut plus rapide. Il décocha un coup de pied dans les côtes de son assaillant qui recula mais revint aussitôt à la charge. Trop occupé à éviter les attaques de son adversaire, Tenshi ne vit pas la murette derrière lui et butta dedans. Ce fut ce qui permit à l'autre de le toucher, l'assommant d'un coup de poing à la tempe.


Tenshi avait horriblement mal à la tête. Il ouvrit les yeux, mais la lumière vive lui fit encore plus mal. Il avait eu le temps, avant de refermer les paupières, de voir qu'il se trouvait dans sa chambre, dans son lit.

- Eh ! Tu reviens enfin parmi les vivants ! S'exclama Mike, une pointe d'inquiétude dans la voix.

- Tu peux parler moins fort, s'il te plait ? Gémit le jeune homme.

Il tenta de s'asseoir, mais tout tournait autour de lui et fut obligé de se rallonger. Son ami lui sourit :

- Tu as pris un sacré coup ! Tu es tombé en arrière et tu t'es cogné le crâne sur le sol, pour arranger le tout !

- Ca explique les marteaux-piqueurs dans ma tête...

- Je t'ai donné de quoi soulager tout ça. Ca devrait bientôt faire effet.

- La Funambule ?

- Elle s'est enfuie...

Tenshi soupira en se passant une main sur le front.

- C'est de ma faute...

- Non. Comment on aurait pu prévoir qu'ils seraient deux ? Comme je te l'ai dit, mon informateur m'avait assuré que le Voltigeur ne serait pas là et que la Funambule serait seule ce soir.

- On s'est fait avoir... et ils ont eu les bijoux.

- Le principal, c'est que tu ailles bien. Tu m'as fait une de ces peurs !

Cette fois-ci, le jeune homme réussit à s'asseoir, malgré la douleur et les nausées.

- J'ai juré à ton père de veiller sur toi... souffla Mike en s'asseyant à côté de lui. Si jamais il t'arrivait malheur, il serait capable de revenir du paradis pour me tuer !

Tenshi sourit. Les rares fois où, lors d'une mission, il était blessé, son ami lui disait toujours la même phrase.

- Allez, je te laisse dormir ! Lança Mike en se relevant. Bonne nuit, Tenshi.

- Bonne nuit.

Le jeune homme se rallongea et referma les yeux. Alors qu'il commençait à glisser dans le sommeil, son esprit revint vers l'homme qu'il avait rencontré quelques heures plus tôt... Ilian...


***

Ilian était furieux. Il claqua la porte de la maison et fonça dans la salle de bains, les dents serrées. Alors qu’il ôtait sa cagoule, la voix de Vivian retentit de l’autre côté du battant :

- Ily ! Tu vas me faire la tête encore longtemps ?

Toujours aussi en colère, les joues rouges et les poings serrés, il ressortit de la pièce et se planta devant sa sœur. Celle-ci, vêtue de sa tenue noire ultramoulante, qui ne laissait aucune place à l’imagination, le dévisagea d’un air surpris :

- Qu’est-ce qui…

- Tu es inconsciente ! Eagleman et le Samouraï ont bien failli t’avoir ! Qu’est-ce qui t’a pris de partir toute seule ?

- Tu m’as dit que tu voulais être tranquille ce soir.

- Ca ne t’es pas venu à l’idée de rester sagement ici, pour une fois ?

- Arrête, Ily ! Tu n’es pas mon père !

- Ne m’appelle pas Ily ! Tu sais très bien que je déteste ce diminutif débile !

Il soupira profondément, tentant de calmer sa colère avant d’avoir un geste malheureux.

- Je me demande souvent lequel de nous deux est l’aîné… Tu te comportes comme une gamine trop gâtée ! Qu’est-ce qui se serait passé si je n’étais pas intervenu ?

- Mais tu es arrivé ! sourit Vivian en secouant sa longue chevelure blonde. Et la façon dont tu as eu le Samouraï…

- … était un pur coup de chance ! Il a trébuché et s’est assommé tout seul.

Le regard de la jeune femme se fit soudain pensif. Son frère sursauta lorsqu’elle souffla alors :

- Dommage que tu n’en aies pas profité pour te débarrasser définitivement de lui…

- Viv ! Je ne suis pas un tueur !

- Ca ne serait pourtant pas la première fois…

La colère d’Ilian refit surface avec violence.

- Ne me parle plus jamais de ça !

Et il claqua la porte au nez de sa sœur. Le front appuyé contre le battant, le corps tremblant de rage à peine contenue, il attendit qu’elle s’éloigne. Il prit plusieurs grandes inspirations pour tenter de se calmer. Ce fut difficile mais il y parvint finalement et se détacha de la porte pour aller faire couler l’eau dans la douche. Il se déshabilla entièrement, puis se planta devant le miroir. Son reflet lui renvoya l’image de son visage las et d’un voile d’amertume qui assombrissait son regard azur.

- Je ne suis pas un tueur…

Il ramena ses cheveux en arrière en soupirant. Les mots de Vivian avaient fait remonter en lui de très mauvais souvenirs qu’il aurait préféré oublier à tout jamais. Il entra enfin dans la cabine, s’adossa à la paroi et ferma les yeux, laissant l’eau chaude relaxer ses muscles tendus. Sur ses paupières closes, il revit soudain le visage de Tenshi et se rappela que le métis lui avait donné son numéro de téléphone. Quelque peu revigoré à cette pensée, Ilian se promit de l’appeler dès le lendemain matin.


***


Tenshi avait encore un peu mal à la tête lorsqu’il se leva. Il alla prendre une aspirine, puis quitta la maison pour son jogging quotidien. Il revint deux heures plus tard, monta se doucher et redescendit manger un morceau. Mike le rejoignit alors qu’il se servait un verre de jus de fruits multivitaminé.

- Ta tête va mieux ?

- Oui, merci.

- Tu fais quoi aujourd’hui ?

- Je vais au Dojo. Après ce qui s’est passé cette nuit, j’ai besoin de bosser ma concentration.

- On est dimanche ! Tu pourrais te reposer un peu…

- Ca te va bien de dire ça, Monsieur « bourreau de travail » ! sourit Tenshi en désignant d’un signe de tête l’ordinateur en pièces détachées que l’on pouvait apercevoir dans le salon.

Mike haussa les épaules en riant, puis retourna à son ouvrage. Tenshi termina son en-cas, alla chercher son sac à dos et partit. Il enfourcha sa moto avant de se diriger vers le sud de la ville. Quelques minutes plus tard, il se garait devant le Dojo Kenage dont il avait hérité à la mort de son grand-père maternel, ancien champion de Kendo. Tenshi donnait des cours d’arts martiaux, notamment aux enfants qu’il avait toujours adorés.

Le dimanche était le seul jour de fermeture du Dojo, le seul jour où Tenshi pouvait y travailler sans être dérangé. Il se changea et, vêtu de son seul pantalon de coton blanc, il alla dans une salle déserte. Très vite, il se rendit compte qu’il ne pouvait pas maintenir sa concentration à un niveau optimum. Son esprit le ramenait sans cesse à la soirée de la veille : en fermant les yeux, il pouvait encore sentir le goût de la bouche d’Ilian et la chaleur de son corps souple contre le sien. Il dut alors se rendre à l’évidence : le blond l’obsédait totalement. Et cela le terrifiait. Il ne voulait plus tomber amoureux. Il avait trop souffert par le passé et il ne voulait plus revivre ça. Et pourtant, parfois, comme la veille, il laissait parler ses envies et son instinct. Il avait eu plusieurs fois des aventures d’une nuit mais, lorsqu’il avait embrassé Ilian, il avait su que ça serait différent, que cette fois-ci, il ne pourrait pas partir à l’aube comme un voleur.

Tenshi soupira profondément. Il ramassa sa serviette, puis se dirigea vers le jardin zen aménagé dans la cour centrale du Dojo. Là, il s’assit en tailleur sur la terrasse en bois, ferma les yeux et laissa son esprit dériver au fil de ses pensées… qui le ramenèrent immanquablement à Ilian.


Ilian poussa la porte de l’agence et entra en souriant. Son patron, Alan, lui jeta un regard amusé, puis souffla :
- Encore une nouvelle conquête ce week-end ?
- Comme d’hab ! répondit le jeune homme en se rendant dans les vestiaires.
Il sortit son portable de son sac et regarda l’écran en fronçant les sourcils. Il était contrarié. Il avait laissé un message à Tenshi la veille en début d’après-midi, lorsqu’il avait enfin émergé du sommeil, lui proposant un rendez-vous, mais l’autre ne l’avait pas encore rappelé. Si ça avait été n’importe qui d’autre, Ilian aurait laissé tomber. Mais quelque chose de fort le poussait vers Tenshi. Il voulait absolument le revoir afin de, il l’espérait, terminer ce qu’ils avaient si bien commencé.
Il fut tiré de ses pensées par l’arrivée bruyante d’une bonne partie de ses collègues. Il rangea son portable dans sa poche, puis enfila le blouson rouge orné d’un oiseau jaune, emblème de la compagnie de coursiers. Il s’assit sur le banc, chaussa ses rollers et revint à l’accueil. Alan lança :
- J’ai un colis très urgent pour le quartier asiatique et trois lettres pour le centre.
- Je prends le colis ! répondit Ilian en s’approchant du comptoir.
Son patron lui donna le paquet. Le jeune homme lui sourit, puis quitta les lieux. Il partit rapidement vers le sud de la ville. Une demi-heure plus tard, il arrivait dans le quartier asiatique. Il consulta son GPS pour trouver sa destination. Il ne lui fallut que cinq minutes pour arriver devant le Dojo Kenage où il devait déposer son colis. Il resta un petit moment à regarder la façade imposante, puis se décida à entrer.
Une jeune femme brune, un badge accroché à ton tee-shirt indiquant qu'elle s'appelait Chris, se tenait derrière un comptoir et semblait plongée dans la contemplation d’un bonzaï qui se trouvait près d’elle. Ilian s’approcha, la faisant sursauter.
- Désolé de vous avoir fait peur ! sourit-il. Je doit remettre ce colis à Monsieur Westling.
- Il est occupé pour l’instant, il donne un cours. Mais je vais le lui donner dès qu’il aura terminé.
- Ok. Vous pouvez signer ça ? demanda t’il en lui tendant le reçu.
La femme parapha rapidement le papier, puis prit le colis et le rangea dans un tiroir. Ilian jeta un coup d’œil vers une affiche sur le mur et interrogea :
- Vous faites des cours pour adultes débutants ?
- Bien sûr. Vous êtes intéressé ?
- J’ai toujours rêvé d’apprendre le karaté, mais je n’ai jamais pris le temps de me renseigner.
- Si vous le voulez, vous pouvez assister à un cours pour voir comment ça se passe avant de vous inscrire.
- Hum… pourquoi pas !
La femme lui donna un dépliant.
- Les cours ont lieu tous les jours sauf le dimanche, de huit à vingt heures. Si vous voulez voir un cours de karaté, il y en a les lundis, mercredis et vendredis à dix-neuf heures. Le Professeur Westling sera sûrement ravi d’avoir un nouvel élève.
- D’accord. J’essayerai de venir ce soir, si je peux.
La femme sourit et hocha la tête.
- Alors peut-être à ce soir ?
- Oui. Bonne journée !
Ilian rangea le dépliant dans sa poche et reprit la direction de son agence.

Il était près de dix-neuf heures quinze lorsqu’il revint devant le Dojo le soir-même. Il se dépêcha d’ôter son casque et ses rollers, les rangea dans son sac à dos, puis entra. La même jeune femme que le matin lui sourit, derrière son comptoir :
- Le cours est commencé, mais vous pouvez y aller.
- Je ne voudrais pas déranger… s’excusa Ilian.
- Ne vous en faites pas, j’ai prévenu le Professeur Westling, il n’y a aucun problème. Suivez-moi.
Elle le conduisit vers une porte fermée. Elle ouvrit sans frapper, puis s’effaça pour le laisser passer.
- Vous pouvez vous asseoir ici, souffla t’elle en lui désignant un banc contre le mur.
- Merci, répondit Ilian dans un murmure.
Il s’assit et se tourna vers le professeur et les élèves. Un homme, assez grand, brun, lui tournait le dos et parlait d’une voix forte à un groupe d’hommes et de femmes assez disparate. Au bout d’un moment, l’enseignant recula et se tourna pour laisser la place sur le tatami à deux de ses élèves. Ilian sentit son cœur faire un bond dans sa poitrine lorsque son regard plongea dans deux iris d’un vert très particulier.

***

Tenshi perdit le fil de sa phrase quand son regard croisa celui, si bleu, d’Ilian. Il bafouilla, se sentit rougir, puis se reprit et se tourna à nouveau vers ses élèves. Il dut se faire violence pour ne pas passer le reste du cours à regarder le blond. Il était troublé de le voir ici, dans son antre, son refuge. Enfin, le cours se termina. Il salua ses élèves et les suivit des yeux alors qu’ils quittaient la pièce. Son regard se posa alors sur Ilian qui s’était levé et attendait près de la porte. Lorsqu’il l’avait vu, il avait compris qu’il ne pouvait plus nier son attirance pour le blond. Il s’approcha lentement, luttant contre le désir qu’il sentait monter en lui.
- Bonsoir.
- Salut ! répondit Ilian, souriant.
- Ainsi c’est toi l’hypothétique nouvel élève de mon cours de karaté ?
- On dirait bien. Tu as eu mon message ?
- Oui… Ecoute, je vais aller me changer et, si ça te dit, on peut aller prendre un verre.
- D’accord.
Ils allèrent ensemble à l’accueil qui était à présent désert.
- Attends-moi ici, je n’en ai pas pour longtemps.
Tenshi se précipita dans les vestiaires du personnel, se doucha rapidement et enfila ses vêtements de ville. A peine dix minutes plus tard, il rejoignait l’autre homme. Celui-ci était debout dans l’encadrement de la porte qui menait à la cour intérieure et regardait le jardin zen.
- C’est joli, souffla t’il.
- Merci. J’ai faim… donc je me disais qu’on pourrait plutôt aller dîner. Je connais un restau japonais sympa à quelques rues d’ici.
- Je te suis.

Quelques minutes plus tard, ils étaient attablés au fond de la petite salle du restaurant. Le patron, un ami d’enfance de la mère de Tenshi, leur servit un apéritif offert par la maison, puis s’éclipsa discrètement.
- Je ne suis pas du genre à me plaindre, commença Ilian, mais j’aimerais savoir pourquoi tu ne m’as pas rappelé.
Tenshi soupira profondément.
- Je ne te mentirai pas : tu me plais beaucoup… mais je ne comptais pas te recontacter.
Le regard azur du blond se voila soudain :
- Alors pourquoi tu m’as donné ton numéro ?
- J’ai fait ça sans réfléchir, sur un coup de tête… Sur le moment, ça semblait être une très bonne idée…
- Mais si je suis là, c’est que tu as changé d’avis ? demanda Ilian, une note d’espoir dans la voix.
- Oui. Quand je t’ai vu dans le Dojo tout à l’heure, j’ai compris que je ne pouvais pas te laisser sortir de ma vie comme ça… pas une seconde fois… si le destin t’a conduit jusqu’ici, je n’ai pas le droit de le contrarier…
Le blond sourit largement. Tenshi se sentit soulagé. Un court instant, il avait eu peur qu'Ilian lui en veuille mais l'autre homme semblait juste ravi d'être là, avec lui.
Ils passèrent le repas à discuter de tout et de rien, de leurs goûts en matière de musique, de films, de leurs loisirs et de leurs boulots. Alors qu'ils finissaient de manger, Ilian demanda soudain :
- Tu es métis, n'est-ce pas ?
Tenshi, un peu surpris d'une question aussi directe sur ses origines, ne répondit pas immédiatement. Son ami s'empressa alors d'ajouter :
- Si c'est indiscret, tu...
- Ce n'est pas indiscret, ne t'en fais pas. Je suis effectivement métis. Ma mère était japonaise et mon père afro-américain. Il l'a rencontrée lorsqu'ils étaient à l'université et ils sont tombés fous amoureux dès le premier regard...
Une vague de nostalgie le parcourut, comme à chaque fois qu'il pensait à ses parents. Il souffla, la gorge nouée :
- Ils me manquent tellement... Ils sont morts quand j'avais huit ans... dans un accident de voiture.
- Je suis désolé... Je n'aurais pas dû remuer de mauvais souvenirs...
- Tu ne pouvais pas savoir, sourit Tenshi pour rassurer le blond. Et toi, ta famille ?
Ilian fit la moue.
- Mes parents sont archéologues. Ils passent leur temps à voyager ici et là... Depuis quelques années, ils se sont établis au Caire où ils bossent pour la Société d'Egyptologie Américaine.
- Tu vis seul ici ?
- Non, je vis, malheureusement, avec ma sœur, Vivian. Elle a quatre ans de plus que moi mais se comporte souvent comme si elle était une gamine !
Tenshi sourit devant l'agacement de son interlocuteur. Lui qui était fils unique avait toujours rêvé d'avoir un frère ou une sœur, mais ses parents étaient partis avant d'avoir eu l'occasion d'avoir un second enfant.
- Mais je n'ai pas envie de parler d'elle ce soir ! Lança soudain Ilian, le tirant de ses pensées.
Tenshi consulta sa montre, puis souffla :
- Il se fait tard... et je me lève tôt demain matin.
- Moi aussi.
Ils se levèrent, réglèrent leurs repas, puis quittèrent le restaurant. Alors qu'ils revenaient devant le Dojo, le métis proposa :
- Je te raccompagne en moto ?
- Avec plaisir.

***

Ilian enfila le casque que son nouvel ami lui tendait, puis prit place derrière lui. Il entoura de ses bras la taille fine de Tenshi, frissonnant de se trouver à nouveau si près de ce corps si tentant. Il ne leur fallut qu'un quart d'heure pour rejoindre le quartier où vivait le blond. Alors que le métis garait la moto dans l'allée, devant la maison dont toutes les lumières étaient éteintes, Ilian poussa un profond soupir. Il enleva le casque, descendit de l'engin et se tourna vers Tenshi qui le fixait de son regard si troublant.
- Je suis ravi de t'avoir revu...
- Moi aussi.
- Tu vas t'inscrire à mes cours ?
- Bien sûr !
Tenshi eut un petit sourire qui provoqua un frisson de désir chez Ilian :
- Si ça te dit, je peux te donner des cours particulier pour que tu puisses rattraper ton retard sur les autres élèves...
Le ton de sa voix était sans équivoque et promettait bien des plaisirs qui n'avaient rien à voir avec les arts martiaux. Emoustillé, le blond n'y tint plus. Il se pencha et captura les lèvres de son compagnon pour un baiser des plus fougueux. Tenshi l'enlaça, l'attirant tout contre lui. Ilian en voulait plus, mais le métis le repoussa doucement et souffla :
- Un peu de patience...
- Pourquoi ? Grogna le blond qui commençait à se sentir à l'étroit dans son jean.
- Tout d'abord parce qu'on est observés... répondit le brun en désignant la maison d'un signe de tête.
Ilian se retourna et aperçut Vivian qui les espionnait derrière la fenêtre du salon.
- Mais quelle plaie ! Soupira t'il en levant les yeux au ciel.
- Et ensuite, reprit Tenshi en caressant tendrement sa joue, parce que j'ai envie que tout soit parfait... donc, si tu es toujours décidé pour tes cours particuliers, viens au Dojo demain à vingt heures. Les cours seront finis et je serai tout à toi...
Une vague de désir traversa Ilian qui déposa un nouveau baiser sur les lèvres de Tenshi et murmura ensuite à son oreille :
- Demain, vingt heures.
Et il s'éloigna, excité à la perspective de ce qui allait arriver le lendemain soir. Il se retourna en entendant la moto partir et la suivit des yeux jusqu'à ce qu'elle disparaisse au bout de la rue.

Alors qu'il allait atteindre la porte de la maison, celle-ci s'ouvrit en grand sur Vivian. Elle le considéra d'un œil goguenard :
- D'après ce que j'ai vu d'ici, il est plutôt chaud ton nouveau mec !
- Fous-moi la paix, Viv !
- Allez ! Raconte ! Tu sais bien que tu peux tout me dire ! Moi je te raconte tout !
- Justement ! Je me fous totalement de ta vie sexuelle et je garde la mienne pour moi ! Bonne nuit !
Il monta dans sa chambre et s'y enferma, râlant encore une fois contre cette sœur si envahissante. Mais sa colère fut de courte durée car, dès qu'il fut seul, il repensa à Tenshi, à leurs baisers et à leur prochaine rencontre, ce qui lui remit du baume au cœur.

Le taxi s'arrêta devant le Dojo à vingt heure vingt. Ilian en descendit rapidement, priant pour que Tenshi ne soit pas déjà parti. Il avait été submergé de travail toute la journée et venait à peine de finir sa dernière course, à l'autre bout de la ville. Du coup, il s'était résigné à prendre un taxi pour tenter d'être à l'heure à son rendez-vous... et avait tout de même fini par être en retard. En voyant qu'il ne parviendrait pas à être à l'heure, il avait appelé Tenshi pour le prévenir mais il était tombé sur sa messagerie. Soupirant, il monta les quatre marches qui menaient à la porte et la poussa. Il fut soulagé de voir qu'elle n'était pas fermée. Il entra dans le Dojo et vit immédiatement que la lumière était allumée dans la salle de cours de Tenshi. Il posa son sac à dos près du comptoir, puis s'approcha de la porte ouverte. Là, il se figea, le souffle coupé. Le métis était debout au milieu du tatami, les yeux clos, vêtu uniquement de son pantalon de kimono blanc. Des gouttes de sueurs roulaient lentement sur la peau brune de son torse pour aller se perdre dans la ceinture du vêtement, tandis qu'il enchaînait avec agilité des mouvements d'attaque et de défense. Sur son dos, Ilian pouvait voir un immense tatouage représentant un dragon rouge dont les ailes déployées s'étendaient de l'une à l'autre de ses omoplates. Dans le silence, on n'entendait que le bruit de ses pieds nus frottant sur le tapis et sa respiration plus rapide qu'à l'ordinaire. Ilian était subjugué par le charisme et la force qui émanait de Tenshi. Il sentit soudain un désir intense et impérieux le submerger. Il dut faire appel à toute sa volonté pour ne pas bouger et attendre en silence que son compagnon s'aperçoive de sa présence.

***

Il était là. Il l'avait senti arriver dès qu'il était entré dans le Dojo mais avait continué. Lorsqu'il avait eu le message sur son portable, il s'était dit que ça serait une bonne manière de tester sa concentration. S'il parvenait à rester focalisé sur ses enchaînements alors qu'Ilian le regardait, il savait que rien ne pourrait plus le surprendre lors de ses prochains affrontements. Il se força à se vider la tête, à ne pas penser au corps si tentant du blond qui l'attendait. Cela fonctionna quelques minutes... mais bien vite, ses envies le rattrapèrent et il dut abandonner. Il rouvrit les yeux, mit quelques secondes à se réhabituer à la lumière de la salle, puis se tourna vers Ilian et sourit :
- Bonsoir.
- Désolé pour le retard...
- Ne t'en fais pas pour ça...
Ilian s'approchait lentement et Tenshi sentit le désir enflammer ses sens. Tous les projets qu'il avait fait pour la soirée s'évaporèrent en une fraction de seconde lorsque le blond se retrouva enfin entre ses bras et que leurs lèvres se goûtèrent pour la première fois depuis la veille. Leurs corps impatients se soudèrent, leur arrachant à tous deux un gémissement. Ilian délaissa sa bouche quelques secondes, le temps de souffler :
- Magnifique tatouage...
Tenshi ne répondit pas. Il se laissa tomber à genoux, entraînant son compagnon avec lui jusqu'à ce qu'ils se retrouvent étendus l'un sur l'autre sur le sol. Fébrile, il arracha presque les boutons de la chemise d'Ilian, la lui enleva, puis s'attaqua à ses tétons dressés, les léchant et les mordillant tour à tour. Le blond ne retenait pas ses gémissements, ses mains enfouies dans les courts cheveux bruns de Tenshi. Alors que sa bouche s'occupait toujours des boutons de chair roses, ses mains étaient déjà parties à l'assaut du jean qui fut rapidement descendu sur les hanches d'Ilian, dévoilant son boxer gris qui ne dissimulait rien de son envie pour l'instant insatisfaite. Le blond se tendit brutalement lorsque la bouche de Tenshi délaissa ses tétons pour aller se poser, à travers le tissu, sur son membre dressé. Le métis glissa ses doigts dans le sous-vêtement et le fit glisser à son tour le long des jambes fines de son futur amant. Puis, il revint s'emparer de l'objet de sa convoitise, le caressant rapidement de bas en haut avant de l'engloutir totalement. Il serra entre ses lèvres la hampe dressée alors qu'il remontait jusqu'au bout qu'il titilla un instant de sa langue.
Ilian l'attrapa soudain par les épaules et le fit remonter à sa hauteur pour l'embrasser avec passion. Tenshi, sans rompre le baiser, se souleva un peu pour permettre aux mains de son compagnon de défaire le lien de son pantalon de kimono. Les doigts agiles d'Ilian s'insinuèrent alors à l'intérieur, s'emparant de son excitation douloureuse. Tenshi se redressa afin de finir de se débarrasser de son vêtement, puis souffla :
- Tu as ce qu'il faut ?
Pour toute réponse, Ilian tendit la main vers son jean qui gisait sur le sol près d'eux et en sortit une petite pochette qu'il tendit à son compagnon. Pendant que Tenshi enfilait le préservatif, le blond se retourna sur le ventre, les jambes écartées en une invitation des plus explicites. Le brun ne se fit pas prier. Il lécha deux de ses doigts et alla les insérer lentement, l'un après l'autre, dans l'intimité de son amant. A chacun de ses mouvements, Ilian gémissait de plus en plus fort. Tenshi sentait qu'il n'allait pas tenir beaucoup plus longtemps. Il s'allongea sur son amant, se positionna contre son entrée étroite, puis le pénétra lentement. Son désir le poussait à aller plus vite, mais il ne voulait pas risquer de faire mal à Ilian et se força à se calmer un peu. Il eut un hoquet de surprise lorsque le blond, d'un mouvement de hanches, redressa son bassin. Tenshi se retrouva totalement enfoui en lui. Enserré par l'étroitesse de ce fourreau de chair, il eut l'impression qu'il allait exploser immédiatement et dut faire appel à toute la force de sa volonté pour ne pas se laisser envahir par le plaisir.
La nouvelle position d'Ilian permit à son amant de s'emparer de son érection délaissée. Tenshi commença à le caresser rapidement au même rythme que celui de ses coups de reins, faisant monter en eux des vagues de plaisir de plus en plus intenses et incontrôlables. Le métis se pencha en avant, posant ses lèvres dans la nuque de son compagnon, léchant la sueur qui coulait sur sa peau si claire, la mordant jusqu'à y laisser une marque, sa marque.
Soudain, une vague de plaisir d'une violence incroyable se propagea dans son bas-ventre. Il se tendit brutalement alors qu'un orgasme puissant le traversait. Sa main serra instinctivement le membre d'Ilian, précipitant la jouissance du blond qui déversa sa semence sur le sol en gémissant le prénom de son amant.

***

Ilian, étendu sur le ventre, sentait son cœur résonner si fort dans sa poitrine qu'il avait l'impression qu'il allait exploser. Il croisa les bras et posa sa tête dessus, les yeux fermés, tentant de reprendre sa respiration. Il sentit la main de Tenshi caresser doucement son dos, de haut en bas, puis remonter jusqu'à sa joue et écarter une mèche de cheveux qui s'y était collée avec la sueur.
- Ca va ? Demanda la voix de son amant tout contre son oreille.
Ilian se contenta de sourire, incapable pour l'instant de parler. Il avait encore du mal à croire à ce qui venait d'arriver. Bien sûr, ça n'était pas la première fois... mais cela faisait des années qu'il n'avait pas laissé un homme prendre le dessus sur lui... Avec toutes ses autres conquêtes, il avait toujours voulu garder le contrôle absolu... et rester le « dominant ». Mais là, il n'avait même pas réfléchi. Il avait offert son corps à Tenshi, en toute confiance, comme si c'était la chose la plus naturelle du monde. Et il ne le regrettait absolument pas.
Il ouvrit enfin les yeux, plongeant immédiatement dans le regard vert pénétrant de son amant. Celui-ci le fixait, l'air inquiet.
- J'espère que tu ne m'en veux pas... murmura Tenshi en détournant les yeux.
- De quoi ?
- De... d'avoir... de t'avoir...
La rougeur subite qui envahit les joues du métis était attendrissante et Ilian ne put s'empêcher de rire :
- Ne sois pas embarrassé comme ça ! Tout va bien ! Et, crois-moi, si je n'avais pas voulu ça, je ne t'aurais pas laissé faire !
Tenshi fixait le plafond, étendu sur le dos à côté de lui. Ilian tendit la main pour caresser son ventre musclé.
- C'est dingue... souffla le métis.
- Quoi ?
- Je n'agis jamais comme ça d'habitude... Je ne sais pas ce qui m'a pris... C'est...
Il s'interrompit, puis tourna la tête pour regarder Ilian dans les yeux en souriant :
- Tu m'as ensorcelé !
- Oh... Tu crois ?
- Ca ne peut être que ça.
- Alors si je t'ai ensorcelé... ça veut dire que je peux te faire faire ce que je veux ? Souffla Ilian.
Une lueur de désir éclaira les iris verts de Tenshi.
- Tu peux toujours essayer...
- Embrasse-moi !
Le brun se rapprocha, posa sa main sur la nuque du blond et l'embrassa avec fougue. Alors qu'Ilian sentait le désir l'envahir à nouveau, son compagnon s'écarta brutalement.
- Eh !
Tenshi se leva en soufflant :
- On a besoin d'une douche.
A peine avait-il fini sa phrase que le blond était déjà debout, prêt à le suivre dans les vestiaires.
- Très bonne idée !

***

La douche dura presque une heure et fut tout sauf sage. Lorsqu'ils furent enfin, mais temporairement, rassasiés l'un de l'autre, et qu’ils se furent rhabillés, Tenshi conduisit son amant dans son bureau.
- Assieds-toi. Je pense que tu dois avoir aussi faim que moi ?
- Je suis affamé ! Acquiesça Ilian en prenant place sur le sofa.
Tenshi sourit, puis alla dans la petite cuisine attenante. Il fit réchauffer au micro-ondes le repas qu'il avait préparé plus tôt et rejoignit ensuite son compagnon. Celui-ci s'était relevé et contemplait des photos qui étaient posées sur le bureau.
- Ce sont tes parents ? Demanda Ilian en désignant un cliché sur lequel on pouvait voir un couple enlacé et, à côté d'eux, un homme portant un petit garçon sur ses épaules.
- Oui. Et lui, c'est Mike, mon parrain. C'est lui qui m'a élevé après la mort de mes parents. Et le gamin, c'est moi !
- Je t'avais reconnu... je reconnaîtrais tes yeux n'importe où...
Tenshi sourit. Il posa le plateau sur la table basse et s'assit. Ilian le rejoignit. Ils mangèrent en silence, savourant juste cet instant de calme. Au bout d'un moment, le blond souffla :
- Finalement, je ne viendrai pas à tes cours.
Surpris, son compagnon demanda :
- Pourquoi ?
Ilian sourit, une lueur amusée dans les yeux.
- Parce que je ne sais pas si je serai capable de passer une heure près de toi sans te sauter dessus... et je pense que ça ferait mauvais effet devant tes élèves...
Tenshi éclata de rire.
- Effectivement ! Mais si tu veux vraiment apprendre, mon offre de cours particuliers est toujours valable... enfin... je veux dire pour de vrais cours !
- Je vais y réfléchir, répondit Ilian.
Il soupira soudain.
- Je n'ai pas envie de rentrer chez moi... Viv va encore m'interroger sur toi... je ne la supporte plus !
- Pourquoi tu ne déménages pas ? Tu es adulte, tu peux faire ce que tu veux de ta vie !
Ilian eut l'air embarrassé...
- Je ne peux pas. La maison est à nos deux noms et je n'ai aucune envie de la lui laisser.
Tenshi eut l'impression étrange que son compagnon ne lui disait pas la vraie raison de son choix et lui dissimulait quelque chose d'important. Au bout d'un moment, il se morigéna. Ce n'était pas parce que lui avait des secrets à cacher que c'était obligatoirement le cas de tout le monde ! Il souffla :
- Tu peux rester ici ce soir, si tu veux.
- C'est gentil, mais ça ne serait pas pratique demain matin pour aller bosser. Il vaut mieux que je rentre.
- Comme tu veux... mais si jamais un jour tu as besoin, n'hésites pas !
- Merci.
Ils rangèrent la vaisselle, puis quittèrent le Dojo. Comme la veille, Tenshi raccompagna Ilian chez lui, puis repartit en direction de la sortie de la ville.
Il était plus de minuit lorsqu'il arriva chez lui mais ne fut pas étonné de trouver Mike en plein travail dans son atelier.
- Bonsoir !
- A voir ton grand sourire idiot, je suppose que ta soirée s'est bien passée ?
- Très bien. Je vais me coucher, bonne nuit !
- Bonne nuit, Tenshi ! Fais de beaux rêves !
- Sans problème...
Il monta dans sa chambre, retourna prendre une douche, puis enfila un boxer avant de s'allonger sur son lit. Sur le dos, les mains derrière la tête, il ferma les yeux en soupirant. Il avait passé une excellente soirée, bien au-delà de ses attentes, mais il avait encore des réticences : malgré l'attirance irrésistible qu'il éprouvait pour Ilian, il savait qu'il ne pourrait jamais avoir une vie normale... et que, tôt ou tard, il allait se retrouver à nouveau seul...


Ce samedi, comme chaque soir depuis presque deux semaines, Ilian se rendit au Dojo pour y retrouver son amant pour ses cours particuliers de karaté. Et, comme chaque soir, la leçon se termina par un corps à corps sensuel, une étreinte où se mêlaient la tendresse et une certaine violence qui reflétait l’intensité incroyable de leur attirance réciproque.
Lorsque leurs corps furent enfin comblés et leur soif de l’autre temporairement apaisée, ils se blottirent l’un contre l’autre sur le sofa de la salle de repos. Tenshi était étendu sur le côté, un bras sous la tête, sa main libre caressant le torse du blond et souffla, souriant :
- Tu n’arriveras jamais au niveau de mes autres élèves si ça continue !
- La faute à qui ? s’exclama Ilian en riant. Si tu ne me sautais pas dessus à chaque fois, j’arriverais peut-être à aller jusqu’au bout de la leçon !
- Désolé… tu es trop irrésistible…
Ils s’embrassèrent tendrement, puis Tenshi reprit :
- Que veux-tu qu’on fasse demain ?
- Rien de particulier.
- C’est ton anniversaire, j’ai envie qu’on fête ça !
- Pas moi…
Ilian n’avait pas envie de s’étendre sur le sujet mais son compagnon ne semblait pas vouloir le laisser tranquille.
- Que s’est-il passé ?
- Je ne veux pas en parler… Il y a certains mauvais souvenirs qu’il vaut mieux garder au fond de soi…
Il ferma les yeux, luttant pour contenir ses larmes. Il aurait tant aimé pouvoir se confier à quelqu’un ! Pouvoir enfin partager son fardeau avec une autre personne que Vivian, qui, avec son cœur de pierre, n’avait jamais compris pourquoi il était perturbé par ce qui s’était passé le jour de sa majorité, deux ans plus tôt…
Il sentit les lèvres de Tenshi se poser tendrement sur les siennes, puis son corps s’étendre sur lui, comme pour lui offrir le réconfort de sa chaleur. Le métis souffla à son oreille :
- Je ne sais pas quels sont ces mauvais souvenirs et je ne peux pas te promettre que je serais un jour en mesure de te les faire oublier… mais je te jure que ceux que tu te feras demain, avec moi, sauront prendre une place immense dans ton cœur.
Emu, Ilian enfouit son visage dans le cou de son amant et souffla :
- Merci…

Ilian finissait de lacer ses chaussures lorsqu’il entendit le moteur de la moto de Tenshi approcher. Il jeta un bref coup d’œil à l’escalier, priant de toutes ses forces pour que Vivian ne se montre pas, puis attrapa son sac à dos et se rua dehors. Son compagnon l’attendait sur son engin, arrêté dans l’allée, prêt à repartir. Alors que le blond grimpait derrière son amant, il vit le rideau de la chambre de sa sœur s’entrouvrir et le visage de Vivian, souriant, apparaître derrière la vitre. Elle lui fit un petit signe de la main auquel il ne répondit pas, s’accrochant à la taille de Tenshi alors que la moto démarrait et quittait l’allée.
Ils roulèrent une heure en direction de l’ouest, jusqu’à la ville voisine. Ilian y était rarement allé et se demandait où l’emmenait son compagnon. Tenshi fit passer la moto dans une ruelle étroite qui menait à un véritable trésor caché : des bains japonais traditionnels. Lorsqu’ils descendirent de leur véhicule, Ilian sourit :
- Je ne savais pas qu’il y en avait ici !
- Normal. Ils sont réservés aux membres de la communauté nippone et très rares dans ce pays. Grâce à ma mère, et surtout à mon grand-père, qui était un gen'rou, un ancien sage de la communauté, j’ai un accès permanent aux lieux… et je peux y emmener qui je veux. C'est un onsen qui a été bâti sur une vraie source chaude qui passe sous la ville.
Ilian contemplait le bâtiment. S’il faisait abstraction du bruit de la rue qui provenait de derrière lui, il aurait pu se croire vraiment au Japon. Son compagnon posa sa main sur son bras, le tirant de sa contemplation ébahie et l’entraîna à l’intérieur. Le blond fut surpris de ne voir personne.
- Où sont les gens ?
Tenshi l’enlaça, l’embrassa tendrement, puis souffla :
- Je l’ai réservé pour nous deux pour la journée… personne ne viendra nous déranger… Joyeux Anniversaire, mon Ilian…

***

Tenshi, ravi par le sourire enthousiaste de son compagnon, lui prit la main et l’entraîna dans les vestiaires. Il attrapa deux serviettes blanches et en tendit une à Ilian en expliquant :
- Il faut d’abord nous laver avant d’aller dans le bain.
Le blond eut une moue perplexe :
- C’est bizarre ton truc !
Le métis rit :
- Oui, je sais ! Mais en fait, dans un onsen, on ne se baigne pas pour être propre mais pour se détendre. C’est un peu comme une piscine, sauf qu’on y va sans maillot !
- Donc, souffla Ilian en se collant contre lui, on va d’abord prendre une douche…
- Non, pas vraiment, répondit Tenshi, sentant le désir monter en lui. Déshabille-toi et suis-moi !
Sans prêter plus d’attention à son compagnon, le métis ôta ses vêtements, puis ceignit la serviette autour de sa taille. Il attendit qu’Ilian ait fait de même, souriant en voyant qu’il était dans le même état d’excitation naissante que lui. Lorsque le blond fut prêt, son ami lui reprit la main et le conduisit dans une salle adjacente. Il le fit s'installer sur l'un des petits tabourets, disposé dans une sorte de baignoire basse, puis alla chercher un baquet d'eau chaude, un savon et une éponge naturelle. Lorsqu'il revint, Ilian l'interrogea :
- Si j'ai bien compris, en temps normal, il y a plein de monde ici ?
- Oui, répondit simplement Tenshi.
Il fit glisser lentement le savon sur la peau claire du torse de son compagnon, essayant d'oublier le désir qui enflait dans son ventre. Lorsqu'il eut terminé avec le haut du corps, ses doigts dénouèrent la serviette et il souffla :
- Lève-toi, s'il te plait.
Ilian obéit sans un mot. Tenshi lui savonna les fesses, descendit sur l'arrière de ses jambes, puis remonta par l'avant, ignorant sciemment le membre à présent totalement érigé du blond. Celui-ci gémissait et sa respiration se faisait plus rapide. Le métis enduisit consciencieusement ses doigts de savon, puis les passa lentement sur le sexe dressé de son amant. Ilian frémissait à chaque contact, mais son compagnon n'avait aucune intention d'aller jusqu'au bout... du moins, pas pour le moment. Lorsqu'il eut fini d'enduire de savon la peau du blond, Tenshi plongea l'éponge dans le baquet et rinça rapidement son amant. Il termina son opération en lui versant directement le contenu du récipient sur la tête. Ilian secoua la tête, chassant les mèches blondes qui s'étaient collées à son visage et sourit :
- A ton tour !
Tenshi hocha la tête et ôta sa serviette. Alors que son compagnon le savonnait, il comprit à quelle torture il l'avait soumis quelques instants plus tôt. C'était à la fois délicieux et horrible de sentir les mains de l'autre homme sur sa peau, la parcourant sans relâche, traçant avec le savon les contours de son tatouage. Il frémit violemment lorsque les doigts savonneux d'Ilian se glissèrent entre ses fesses.
- Frustrant, n'est-ce pas ? Souffla le blond à son oreille.
- Très... mais tu vas voir, ça en vaut la peine...
- Je l'espère !
Ilian termina son office, déversant à son tour le contenu d'un baquet d'eau chaude sur son amant, puis demanda :
- Et maintenant ?
Tenshi remit sa serviette, imité par son compagnon, puis l'entraîna vers la cour intérieure où se trouvait la petite piscine remplie par la source naturelle. Le bassin avait été créé par l'homme, mais imitait la texture des cuvettes naturelles qu'on pouvait trouver un peu partout au Japon. Il faisait un peu frais et Ilian frissonna.
Tenshi entra lentement dans l'eau brûlante et se tourna vers lui, l'air soudain inquiet :
- J'espère que tu vas apprécier... et que tu ne crains pas la chaleur. C'est à presque 40 degrés...
- Ne t'en fais pas pour moi, sourit le blond.
Il plongea un orteil dans le liquide fumant, grimaça mais continua à s'immerger. Voyant que son compagnon semblait vouloir le suivre, Tenshi s'installa confortablement contre le bord du bassin. Ilian le rejoignit, s'asseyant juste à côté de lui.
- Ca va ?
- Très bien, sourit le blond. C'est vraiment agréable.
- Je suis content que ça te plaise...
Il se pencha pour embrasser tendrement son compagnon.

***

Ilian laissa ses mains glisser sur le torse de Tenshi. L'action conjuguée du désir et de la chaleur de l'eau lui tournait un peu la tête, mais il s'en fichait. Il ne voulait de toutes façons penser à rien d'autre qu'à la présence du métis près de lui et à cette superbe journée qui s'annonçait.
Alors que leurs bouches se dévoraient, Tenshi se redressa et vint s'installer à califourchon sur les cuisses de son compagnon. Leurs envies de rencontrèrent, provoquant une décharge de plaisir dans l'échine d'Ilian. Au bout d'un moment, le métis se détacha de son compagnon, une moue boudeuse sur le visage.
- On ne peut pas faire ça ici... dans le bassin, je veux dire... ajouta t'il en voyant Ilian froncer les sourcils.
- Tu as raison, soupira le blond. Mais j'ai envie de toi... vraiment très envie...
- Alors, viens ! Sourit Tenshi en se levant.
Ilian le contempla un instant, détaillant ce corps magnifique qu'il avait la chance de pouvoir caresser et embrasser. Il avait encore du mal à croire que ça ne faisait que quelques jours qu'ils se connaissaient. Pour lui, c'était comme s'ils avaient toujours été ensemble.
- Tu te décides ? Lança le métis, le tirant de ses pensées.
- J'arrive !
Ilian se leva à son tour. Alors qu'il prenait la main que lui tendait son compagnon, il sentit soudain un vertige l’envahir et un frisson glacé parcourut tout son corps. Il eut à peine le temps de remarquer le regard inquiet de Tenshi qu'il s'effondra dans ses bras, à demi-conscient. Il sentit que son compagnon le soulevait et le portait dans à l’intérieur. Les yeux mi-clos, il tentait vainement de reprendre ses esprits mais tout était comme embrumé autour de lui. Au bout d'un moment, ses idées parurent enfin s'éclaircir et il réussit à ouvrir complètement les yeux. Tenshi le fixait, une lueur d'angoisse assombrissant ses iris verts clairs. Il l'avait installé sur un tapis, à même le sol, et était à genoux à côté de lui, vêtu d’une sorte de kimono blanc, rendu quasi-transparent par l'humidité.
- Ilian, ça va ?
- Qu'est-ce qui s'est passé ?
- Ca arrive souvent aux personnes qui n'ont pas l'habitude des bains brûlants. Quand tu t'es levé, la différence de température entre l'eau et celle de l'air t'ont étourdi. Tu te sens mieux ?
- Oui, ça peut aller...
Ilian tenta de s'asseoir, mais son compagnon l'obligea à rester allongé.
- Ferme les yeux et détends-toi.
Le blond obéit. Il entendit son amant s'éloigner, puis revenir et poser quelque chose sur le sol près de lui. A peine une seconde plus tard, il sentit les mains de Tenshi, sûrement enduites d'une huile de massage, se poser sur son mollet, puis remonter lentement le long de sa jambe. Les gestes du métis étaient doux et précis. Ilian se laissa envahir par une douce torpeur, complètement détendu... du moins jusqu'à ce que les doigts de son amant atteignent le haut de l'intérieur de sa cuisse et frôlent son membre à nouveau au repos. Une décharge de désir traversa ses reins alors que Tenshi continuait son massage en montant sur ses hanches, puis son ventre, évitant soigneusement son érection qui commençait à se réveiller. Ilian réussit à résister un très long moment, gardant les yeux clos et restant immobile. Mais, lorsque les doigts de son compagnon atteignirent son visage, il ne put tenir plus longtemps. Il ouvrit les paupières, posant son regard azur sur le métis, puis se redressa vivement et captura les lèvres de son amant. Celui-ci ouvrit immédiatement la bouche, laissant entrer la langue mutine du blond.
Son malaise était à présent loin derrière lui et Ilian se sentait en pleine forme. Il glissa sa main dans l'échancrure du kimono, caressant le torse de son compagnon qui gémit lorsqu'il s'attaqua à un téton durci. Lorsque le baiser se rompit, Tenshi plongea son regard émeraude dans les yeux de son amant et souffla :
- Fais-moi l'amour...
Sincèrement surpris, Ilian demanda :
- Tu es sûr ? Je veux dire...
Le métis sourit largement :
- C'est ton anniversaire... tu peux donc faire de moi tout ce que tu veux... je t'appartiens... corps et âme...
A ces mots, le blond sentit une bouffée d'amour le traverser. Emu, il souffla :
- Tu as ce qu'il faut ?
- Bien sûr, sourit Tenshi.
Il se leva, disparut par une porte entrouverte, puis revint aussitôt avec son sac à dos duquel il sortit une boîte de préservatifs. Ilian ne put s'empêcher de rire :
- Tu crois qu'on en aura assez ?
Le métis eut une moue qui se voulait innocente.
- Je ne sais pas...
Il jeta le sac dans un coin de la petite pièce, puis revint s'agenouiller à côté du blond pour l'embrasser à nouveau.

La fièvre du désir s'empara de leurs corps. Leurs bouches se dévoraient tandis que leurs mains redécouvraient la moindre courbe, redessinaient le moindre muscle. Leurs jambes étaient mêlées, permettant ainsi à leurs corps de se souder, ne laissant aucun souffle d'air entre leurs peaux moites. Ils n'avaient pas besoin de mots, chacun savait instinctivement ce que l'autre voulait. Tenshi déroula le préservatif sur le membre tendu d'Ilian pendant que celui-ci insinuait lentement un doigt dans son intimité, puis un second. Une fois certain que son amant était suffisamment préparé, et surtout, lorsque son envie devint trop douloureuse pour attendre plus, il le pénétra avec délicatesse, attentif au moindre gémissement, à la moindre expression de douleur qui pourrait assombrir le visage d'ange de Tenshi. Il s'enfonça entièrement en lui, puis se retira et le pénétra à nouveau, un peu plus vite et un peu plus loin.
Tenshi noua ses jambes autour de la taille d'Ilian qui eut envie de varier un peu les plaisirs. Le blond se redressa, entraînant son amant avec lui, jusqu'à ce qu'ils se retrouvent tous deux assis, le métis toujours empalé sur le membre gonflé de son compagnon. Tenshi rejeta sa tête en arrière et Ilian en profita pour lécher les gouttelettes de sueur dans son cou offert. Le métis ondulait lentement du bassin, d'avant en arrière, de gauche à droite, faisant enfler les vagues du plaisir qui montaient peu à peu en eux. Leurs lèvres se retrouvèrent ; leurs souffles se mêlèrent. Ilian glissa sa main entre leurs corps, s'emparant du membre délaissé de son compagnon et commença à le masser rapidement. Leurs gémissements se perdaient dans leur baiser sans fin. Soudain, un orgasme violent emporta le brun qui déversa sa semence sur leurs ventres et leurs torses et sur la main d'Ilian. Celui-ci, enserré par les contractions du fourreau de chair, ne tarda pas à suivre son compagnon au sommet de l'extase.

***

Essoufflés et épuisés, les deux hommes retombèrent un peu lourdement sur le sol. Tenshi ôta le préservatif du membre de son compagnon, puis se blottit contre lui, la tête sur son torse. Il entendait les battements de coeur affolés d'Ilian et sourit.
- Joyeux Anniversaire... souffla t'il.
- Merci... C'est le meilleur anniversaire que j'aie jamais eu.
Tenshi changea de position afin de pouvoir voir le visage de son amant. Celui-ci avait les yeux mi-clos, la peau claire de ses joues était rougie par le plaisir, de même que ses lèvres, gonflées par leurs baisers fougueux. Peu à peu, leurs corps retrouvèrent leur calme. Le métis s'assit, puis demanda :
- Tu as faim ?
- Je suis affamé, répondit Ilian en souriant. Mais j'aimerais bien rester encore un peu comme ça...
- Si tu veux...
Tenshi se réinstalla et ferma les yeux. Et, bercé par les battements de coeur à présent paisibles de son compagnon, il glissa lentement dans le sommeil.

Ce fut un gargouillis très sonore qui réveilla le métis. Un peu perdu, il se redressa et croisa le regard contrit de son amant :
- Je crois que j'ai sous-estimé ma faim !
Tenshi éclata de rire. Il se leva, ramassa son yukata, l'enfila, puis alla chercher celui d'Ilian qu'il avait laissé sur une chaise dans un coin de la pièce.
- Enfile ça, on va aller manger.
Le blond obéit, puis suivit son compagnon dans une pièce attenante qui se trouvait être une cuisine.
- Installe-toi !
Ilian s'assit tandis que Tenshi servait le repas froid qu'il avait préparé le matin même, avant d'aller chercher son amant chez lui.
- J'espère que tu vas aimer... c'est une spécialité de mon grand-père...
Le blond mangea avec appétit et enthousiasme, ce qui ravit son compagnon.
- C'était délicieux ! Sourit Ilian lorsqu'il eut terminé.
- Je suis vraiment content que ça te plaise...
- Tout ce qui vient de toi me plait...
- Vraiment ?
Tenshi se pencha par-dessus la table pour l'embrasser. Le désir s'empara à nouveau de leurs corps insatiables. Ils quittèrent la cuisine, retournant dans la petite pièce qui était devenu, pour la journée, leur nid d'amour.

Tenshi était vraiment ravi. Tout s'était déroulé exactement comme il l'escomptait, le malaise d'Ilian mis à part. Ils avaient passé l'après-midi à satisfaire leurs envies charnelles, seuls au monde, loin de tous leurs tourments et tracas. Et puis, le soir venu, le métis avait raccompagné son amant, lui donnant rendez-vous au Dojo le lendemain soir pour leur « cours » habituel.

Tenshi rangea sa moto au garage avant d'entrer dans la maison. Il vit que la lumière de la cuisine était allumée et s'y dirigea. Mike était là, une pizza entamée sur la table à côté de son ordinateur portable. Il leva les yeux de son écran en entendant son filleul arriver.
- Bonsoir !
- Salut ! Je t'attendais !
Surpris, Tenshi demanda :
- Qu'est-ce qui se passe ?
Mike lui lança un journal. Le métis l'ouvrit et lut à la une :
« Cinq des plus beaux diamants du monde seront exposés demain au public. »
Il parcourut l'article rapidement, puis soupira :
- Tu crois qu'elle va tenter de s'en emparer ?
- Connaissant la Funambule, le contraire serait étonnant.
- Quand ?
- L'expo repart pour New-York après-demain. Elle n'a pas le choix, c'est demain soir ou jamais.
- Alors on y sera ! Sourit Tenshi. Et cette fois-ci, on n'oubliera pas le Voltigeur ! Je n'ai pas l'intention de le laisser m'avoir encore une fois ! Je vais enfin pouvoir prendre ma revanche sur lui !


Ilian enfila sa combinaison, puis rejoignit Vivian dans le salon. La jeune femme était au téléphone depuis près d'une heure, bavassant avec l'une de ses amies. Son frère, excédé, lui prit soudain l'appareil des mains et lança dans le combiné :
- Elle te rappelle demain !
Et il raccrocha.
- Eh ! S'exclama Vivian. De quel droit...
- Je n'ai déjà pas envie de le faire ce boulot ce soir, mais si, en plus, tu ne le prends pas au sérieux, je laisse tomber !
- Allez, p'tit frère... fais pas ta tête de mule... on va bien s'amuser !
- Tu sais que le Samouraï et Eagleman seront là ? Ils vont bien se douter que tu vas vouloir voler ces diamants !
- Que « nous » allons vouloir les voler... sourit la jeune femme en passant un doigt sur la joue de son cadet.
Ilian recula. Plus le temps passait et moins il avait envie de continuer ce jeu dangereux. Il n'avait pas besoin de voler pour vivre... mais il ne pouvait pas laisser tomber sa sœur. Même si elle était parfois – souvent – exaspérante, elle s'était toujours occupée de lui quand leurs parents les avaient laissés pour aller faire des fouilles à l'étranger. Et puis, il devait bien se l'avouer, la décharge d'adrénaline que lui procurait le risque lié à chaque vol était comme une drogue dont il ne pouvait plus se passer.
- Bon, tu es prête ?
- Bien sûr !
Il enfila sa cagoule noire, puis suivit Vivian jusqu'au garage.

Perché sur le toit du musée, des jumelles à vision nocturne à la main, Ilian observait les alentours. Cela faisait maintenant presque trois minutes que sa sœur était descendue dans le conduit d'aération. Il ne lui en restait que deux avant que l'alarme ne se déclenche. Ilian était tendu. Il n'avait pas encore vu ses ennemis, mais il savait que les deux hommes allaient tout faire pour les empêcher de partir avec les diamants. La sirène d'une ambulance qui passait dans une rue non loin le détourna un court instant de son objectif. Distrait, il vit trop tard la forme noire qui lui fonçait dessus.
Les deux hommes roulèrent sur le toit, jusqu'au rebord qui les stoppa brusquement. Le Samouraï leva le bras pour le frapper, mais Ilian – le Voltigeur – fut plus rapide. Il esquiva, donna un coup de pied dans les côtes de son adversaire et le repoussa. Il faisait très sombre et les deux hommes se battaient surtout à l'instinct, frappant et esquivant habilement. A un moment, ils se retrouvèrent à nouveau en corps à corps rapproché. Ilian entendait les voitures de police encercler le bâtiment et comprit qu'il devait fuir au plus vite, ce qui se confirma lorsqu'un hélicoptère se positionna au-dessus d'eux. Une lumière vive éclaira le toit, aveuglant momentanément les deux combattants. Ilian reprit ses esprits plus rapidement que son adversaire. Il leva les yeux vers l'autre homme et sentit son cœur manquer un battement. Il aurait pu reconnaître ce regard vert si intense n'importe où. Ce regard qui, d'habitude, se posait sur lui comme une caresse, le fixait pour le moment avec colère.
Vivian passa soudain à côté de lui en hurlant et lui prit le bras, l'entraînant avec elle. L'esprit encore embrouillé, Ilian la suivit, guidé par son instinct de survie. Il n'aurait pas pu dire comment ils s'en étaient sortis, mais toujours est-il qu'ils parvinrent à rentrer chez eux sans se faire prendre par les autorités. Ilian marcha comme un automate jusqu'à sa chambre et s'y enferma, claquant la porte au nez de sa sœur, anéanti. Il ôta sa cagoule qu'il jeta sur le sol, puis se laissa tomber sur le lit, la tête dans les mains. Lorsqu'il ferma les yeux, il revit le regard si familier qui l'avait fixé sur ce toit, quelques minutes plus tôt.
- Non... c'est pas possible !
Le désespoir lui déchirait le cœur. Cet homme, à qui il avait offert son corps et son âme, dont il était tombé désespérément amoureux... cet homme était en fait son pire ennemi ! Des larmes de rage se mirent à couler sur ses joues.
- Pourquoi lui ?
Furieux et déçu, il se releva, attrapa la première chose qui lui passa sous la main, sa lampe de chevet, et l'envoya se fracasser contre le mur en face. Il n'en pouvait plus. Il avait l'impression que sa tête et son corps allaient exploser. Il ne pouvait plus rester dans cette pièce, ni dans cette maison. Il enfila un survêtement par-dessus sa combinaison, puis quitta les lieux. Il courut des heures, sans but, puis lorsque son corps rendit les armes, il se décida à rentrer. Il était toujours aussi désespéré mais la fatigue prit le dessus et, quand il s'allongea sur son lit, il s'endormit presque instantanément.

***

Tenshi raccrocha en soupirant, puis s’assit devant le dîner que Mike avait préparé. Il n’avait pas faim et passa tout le repas à triturer un morceau d’omelette dans son assiette. Au bout d’un moment son parrain demanda :
- Est-ce que tu vas te décider à me dire ce qui t’arrive ou je vais devoir essayer de deviner tout seul ?
Le jeune homme commença par nier :
- Il ne m’arrive rien !
- Depuis lundi, tu es maussade, tu ne manges quasiment rien et tu ne dis pas un mot. Donc ne me prends pas pour un idiot, je sais très bien que tu as un problème !
Tenshi soupira profondément.
- C’est Ilian…
- Je m’en doutais un peu. Continue !
- Mardi soir, il n’est pas venu au Dojo comme prévu. Je l’ai appelé plusieurs fois, je lui ai laissé des tonnes de messages mais il ne répond et ne rappelle pas.
- Vous vous êtes disputés ?
- Non ! Je ne comprends pas ce qui se passe ! Dimanche, on a passé une journée géniale ! Lundi soir, tout allait bien, même si j’ai du écourter notre rendez-vous pour empêcher ce vol de diamants. Et depuis mardi, plus rien.
- Tu as essayé d’aller chez lui ?
- Oui. Il n’y avait personne. J’ai failli mettre un mot dans sa boîte aux lettres, mais il m’a dit que sa sœur est une vraie fouineuse et je ne voulais pas qu’elle risque de le lire. J’ai même laissé un message pour lui à son travail, mais eux non plus ne l’ont pas vu depuis lundi soir. Je ne sais plus quoi faire…
- Est-ce que… commença Mike.
Il s’arrêta et Tenshi leva les yeux vers lui :
- Quoi ?
- Tu as appelé les hôpitaux et la morgue ? Juste au cas où ?
- Oui, répondit le métis en soupirant à nouveau. Et ils n’ont eu personne correspondant à son signalement. J’en suis soulagé, mais bon… c’est comme s’il s’était volatilisé depuis trois jours !
Il sentit les larmes inonder ses yeux et les essuya d’un revers de la manche. Mike se leva et s’approcha, venant s’asseoir à côté de lui. Il prit le menton de Tenshi dans sa main, l’obligeant à le regarder en face :
- Tu l’aimes donc tant que ça ?
- Oui… souffla le métis.
Jusqu’à présent, il n’avait pas réalisé à quel point il tenait à Ilian. Il avait fallu que son compagnon disparaisse de la circulation pour que le métis comprenne qu’il était irrémédiablement amoureux de lui… et qu’il n’envisageait plus sa vie sans lui. Mike posa une main sur son épaule :
- Je suis sûr qu’il va réapparaître. Il a peut-être eu un imprévu familial et n’a pas eu le temps de te prévenir.
- J’espère que ça n’est que ça… et que tu dis vrai. Je ne supporterai pas de le perdre lui aussi.

***

Ilian était étendu sur son lit, les mains sous la tête, fixant le plafond, des pensées noires tournant sans fin dans son esprit. Il ne bougea pas lorsque la porte de la chambre s’ouvrit sur Vivian. La jeune femme se planta dans l’encadrement de la porte, les mains sur les hanches.
- Bon, tu as bientôt fini de faire le mort ? J’en ai marre de te voir glandouiller ici à longueur de journée ! Et puis j’en ai marre aussi d’avoir des tonnes de messages de ton mec sur le répondeur ! Pourquoi tu lui parles pas ? Tu sais, si tu veux le larguer, tu pourrais au moins le lui dire !
- Fous-moi la paix, Viv !
- Non ! Tu me traites tout le temps de gamine capricieuse, mais tu ne vaux pas mieux que moi !
- Tu ne peux pas comprendre…
- Non, effectivement, puisque tu ne me dis rien ! Dis-moi ce qui se passe !
Ilian hésita.
- Bon, si tu ne veux pas me parler, ok ! Mais si ton mec appelle encore ou revient, je lui dis que tu es là et tu te démerderas avec lui !
Il s’assit brusquement, lançant sans le vouloir :
- C’est le Samouraï !
Vivian, qui allait quitter la chambre, fit volte-face et le dévisagea, ébahie :
- Quoi ?
Ilian soupira profondément. Il ne voulait pas lui dire… mais maintenant, c’était trop tard. Alors il expliqua :
- Tenshi est le Samouraï ! L’homme que j’aime est mon pire ennemi ! Ca te va comme raison pour l’éviter ?
- Pourquoi tu ne me l’as pas dit plus tôt ?
Il haussa les épaules et s’allongea à nouveau, comme si le fait d’avoir enfin formulé ce qui le tourmentait l’avait épuisé. Vivian vint s’asseoir à côté de lui et souffla en souriant :
- Notre coup de demain soir va te changer les idées, j’en suis sûre !
Surpris, le jeune homme se redressa sur un coude et dévisagea sa sœur :
- De quoi tu parles ?
- De la bijouterie Cartier qui reçoit sa nouvelle collection demain. Tu sais, on a prévu ce casse depuis des semaines !
- Je ne m’en souvenais plus… je n’ai pas envie d’y aller…
- Ily ! Tu m’avais promis !
- Ne m’appelle pas…
- Oui, je sais, désolée. Allez… s’il te plait…
- Je suis fatigué, Viv… j’ai envie d’arrêter tout ça…
- Arrêter ? Tu veux abandonner ?
- Oui. Ca fait longtemps que j’en ai envie et je crois que c’est le bon moment pour raccrocher.
La jeune femme soupira, puis répondit :
- Ecoute, si tu viens avec moi demain soir, je te promets que ça sera la dernière fois que je te demanderai de m’accompagner.
Soupçonneux, Ilian demanda :
- Tu es sincère ?
- Bien sûr ! Je ne veux pas t’obliger à faire ça contre ta volonté !
Il réfléchit un instant, puis souffla :
- Ok. Je viendrai avec toi demain soir… et ensuite, j’arrête !
Vivian se releva en souriant :
- Bon, je te laisse déprimer en paix, j’ai des courses à faire !


Ilian suivit sa sœur en direction de la bijouterie Cartier. Il était sur le qui-vive, inquiet à l'idée de se retrouver face au Samouraï. Il ne savait pas du tout quelle serait sa réaction s'il devait à nouveau se battre contre lui. Lorsqu'ils arrivèrent près du bâtiment, il se faufila pour aller neutraliser l'alarme puis revint près de Vivian.
- C'est bon, tu peux y aller.
Elle ne répondit pas et entra dans la bijouterie. A peine cinq minutes plus tard, elle ressortait, son sac à dos plein. Alors qu'ils se dirigeaient vers leur voiture, ils se trouvèrent tout à coup arrêté par une silhouette familière qui se dressa face à eux : le Samouraï. Ilian fit instinctivement volte-face et découvrit qu'Eagleman se tenait derrière eux. Alors qu'il cherchait un moyen de se sortir de là, il vit avec stupéfaction Vivian sortir une arme d'une poche secrète de sa combinaison et la pointer sur le Samouraï. Au moment où elle appuya sur la détente, Ilian bondit sans réfléchir sur Tenshi, le plaquant au sol, hors de la trajectoire de la balle. La douleur qui explosa soudain dans son dos fut si intense qu'il se sentit perdre connaissance. Juste avant de sombrer dans les ténèbres, il souffla :
- Tenshi...

***

Le métis n'avait pas compris ce qui s'était passé. Il avait à peine eut le temps de voir l'éclat du canon d'un revolver, pointé par la Funambule, qu'il s'était retrouvé au sol, poussé par le Voltigeur. Celui-ci, blessé par sa propre complice, était étendu sur lui et murmura avant de perdre conscience :
- Tenshi...
Le cœur du jeune homme bondit dans sa poitrine alors qu'il reconnaissait la voix si familière qui venait de souffler son prénom. Il aperçu Mike qui tentait d'attraper la Funambule, mais celle-ci était trop rapide pour lui et réussit à s'enfuir, abandonnant son complice derrière elle. Tenshi se redressa, le Voltigeur gisant dans ses bras, sa blessure saignant abondamment. Il le souleva avec mille précautions et se dirigea vers l'immeuble sur le toit duquel ils avaient laissé leur hélicoptère. Mike le rejoignit, l'arrêtant :
- Qu'est-ce que tu fais ?
- Je l'emmène chez nous. Il est blessé, il a besoin de soin.
- Les flics seront là d'une minute à l'autre. Ils s'occuperont de lui.
- Je ne peux pas le laisser, Mike.
- Pourquoi ?
Tenshi sentit sa gorge se serrer lorsqu'il répondit :
- Parce que c'est mon Ilian...

Une fois dans l'hélicoptère, Mike décolla en direction du nord.
- Qu'est-ce que tu fais ?
- Il faut l'emmener voir Tsuki !
- Non !
- On n'a pas le choix, Tenshi ! Ton ami est trop gravement blessé pour que je puisse le soigner moi-même. Il a besoin d'un médecin ! C'est ça ou on le livre aux autorités...
- Ok, soupira le jeune homme.
L'appareil furtif se posa quelques minutes plus tard sur le toit d'un dispensaire du quartier asiatique. Tenshi en descendit, portant Ilian, toujours inconscient, dans ses bras. Mike lui ouvrit la porte et partit devant à la recherche de la doctoresse. Au moment où le métis installait son compagnon sur une table d'examen, la porte de la salle s'ouvrit sur une femme d'une quarantaine d'années, brune, d'origine japonaise, qui les considéra un instant en silence avant de se précipiter sur son patient.
- Senseï... vous devez le sauver... gémit Tenshi alors qu'elle l'écartait un peu brutalement de la table.
- Je vais faire mon possible ! Dehors !
- Mais...
- J'ai dis dehors ! Je veux pouvoir travailler en paix. Mike va m'aider.
Il ouvrit la bouche pour protester, mais le médecin lui adressa un regard noir qui le fit reculer en silence. Il jeta un dernier coup d'œil à Ilian, puis sortit de la pièce.

Tenshi tournait en rond dans la salle d'attente du dispensaire. L'angoisse lui comprimait tellement la poitrine qu'il avait du mal à respirer. Il n'avait jamais eu aussi peur de toute sa vie. Malgré la découverte qu'il venait de faire, qu'Ilian et le Voltigeur étaient une seule et même personne, il ne pouvait s'empêcher de l'aimer de tout son être. Et il savait qu'il ne s'en remettrait pas si son amant mourrait. Au bout d'un moment qui lui parut avoir duré une éternité, Tsuki et Mike le rejoignirent.
- Comment va t'il ?
La femme sourit.
- La balle n'a endommagé aucun organe vital. Elle a cassé une côte mais est ressortie sans faire plus de dégâts. Ton ami s'en sortira.
Soulagé, Tenshi se jeta sur elle pour la serrer dans ses bras. Puis, il s'écarta, confus.
- Désolé, Senseï...
- Ce n'est rien.
- Il s'est réveillé ?
- Pas encore. J'ai dû lui donner des sédatifs pour pouvoir le soigner. Tu peux aller le voir si tu veux.
- Merci ! Merci infiniment !
Il se rua dans la salle, tentant d'ignorer les taches de sang qui maculaient la table d'examen et le sol, puis s'approcha d'Ilian. Il prit une chaise, s'assit et serra la main de son compagnon dans les siennes. Il déposa un baiser sur les doigts blancs de son amant et se pencha pour lui souffler à l'oreille :
- Tu vas t'en sortir, mon Ilian... mon amour...

***

Il se sentait bien. Il flottait dans un univers cotonneux où rien n'existait à part Tenshi et lui. Nus, enlacés, leurs bouches et leurs corps soudés, ils dérivaient sans se soucier de rien, sauf de leur bien-être et de leur plaisir.

Soudain, une douleur sourde lui traversa le torse, le ramenant brutalement à la réalité. Il entendait la voix de Tenshi murmurer des mots d’amour à son oreille. Il sentait les mains tremblantes de son compagnon qui enserraient les siennes, leurs doigts entremêlés. Il hésitait à ouvrir les yeux : il avait peur de ce qui allait se passer maintenant. Alors qu’il rassemblait son courage, il entendit une voix féminine inconnue près de lui et décida d’attendre pour faire savoir qu’il avait repris conscience.
- Vous pouvez prendre un brancard pour l’emmener. Je vous ai préparé les médicaments dont vous aurez besoin. J’ai marqué la posologie sur les flacons. Et il faudra changer ses pansements régulièrement.
- Merci, Senseï. Merci pour tout… souffla Tenshi.
- Je suis toujours ravie de pouvoir aider le fils de ma chère Sachiko.
Une autre voix, masculine, retentit soudain dans la pièce :
- Tenshi, il faut partir ! Le jour ne va pas tarder à se lever.
- Je viens !
Ilian se sentit soulevé, puis il comprit qu’on le déposait sur un brancard et qu’on le transportait hors de cet endroit inconnu. Alors que l’air frais de la nuit l’enveloppait, il se sentit à nouveau emporté dans l’inconscience.

***

Ils sortirent le brancard de l’hélicoptère et le conduisirent dans une petite chambre aménagée dans un recoin de la grotte où ils rangeaient leur appareil. Tenshi voulait installer Ilian dans sa propre chambre, mais Mike refusa :
- Même s’il s’agit de l’homme que tu aimes, il reste le Voltigeur. C’est trop dangereux de le laisser se promener en liberté chez nous !
- Mais il sait déjà qui nous sommes ! Il a dit mon nom avant de s’évanouir !
- Tenshi ! Tu as vu ce que la Funambule a tenté de faire ! C’est trop dangereux !
Le jeune homme soupira :
- Ok, tu as raison. Mais je resterai ici avec lui. Je ne veux pas le laisser seul, enfermé dans cet endroit inconnu.
- Si tu veux.
Tenshi mit des draps dans le lit, puis, avec l’aide de Mike, il installa Ilian le plus confortablement possible. Lorsqu’il eurent terminé, le métis lança à son ami :
- Tu peux aller te coucher, je veille sur lui.
- Ok. Si tu as besoin, appelle-moi !
Lorsque Mike fut sorti, Tenshi alla s’allonger sur le lit, à côté de son compagnon. Appuyé sur un bras, il contempla longuement le visage paisible de son amant, réfléchissant à tout ce qui s’était passé depuis qu’ils s’étaient rencontrés ce soir-là, en boîte. Ses doigts allèrent remonter une mèche blonde qui s’était collée sur le front d’Ilian, puis caressèrent tendrement sa joue et ses lèvres.

***

Il avait repris conscience alors que Tenshi s’installait près de lui. Il garda les yeux clos, mais ne put s’empêcher de frissonner lorsque les doigts de son compagnon parcoururent son visage. Trahi par son propre corps, il se décida enfin à ouvrir les yeux. Son regard plongea immédiatement dans les iris d’un vert profond de Tenshi. Ils restèrent un long moment à se fixer en silence, jusqu’à ce que le métis demande :
- Comment tu te sens ?
- Fatigué… et j’ai mal… mais ça pourrait être pire…
- Ta blessure n’est pas trop grave, tu vas t’en sortir.
Tenshi se tut un instant, puis souffla :
- Tu m’as sauvé la vie…
Ilian hocha la tête affirmativement, souriant timidement.
- Tu sais depuis longtemps ? demanda soudain son compagnon en s’asseyant en tailleur sur le lit.
- Quelques jours… Je te l’avais dit que je reconnaîtrais te yeux n’importe où… Lorsqu’on s’est battus sur le toit du musée, on a été éclairés un court instant par l’hélico… et là, j’ai su…
Ilian détourna le regard, le posant sur le plafond blanc.
- Je ne savais plus quoi faire… j’étais totalement perdu… J’ai voulu tout arrêter, mais Vivian voulait absolument faire ce casse… je ne pouvais pas la laisser tomber… je n’aurais jamais cru qu’elle… qu’elle tenterait de te tuer…
- Tu lui as dit ?
- Oui. Elle voulait savoir pourquoi je ne répondais pas à tes appels et pourquoi je ne sortais plus de chez nous... Je ne voulais pas le lui dire, mais elle m’a agacé et ça m’a échappé.
- Pourquoi tu fais ça ? Tous ces vols, je veux dire… C’est pour l’argent ?
- Même pas ! Je n’ai jamais touché un centime de ce que Vivian a pu tirer du recel de ses prises.
Devant l’air incrédule de son compagnon, il ajouta :
- Je sais que c’est difficile à croire… mais c’est la stricte vérité !
- Alors pourquoi ? Pourquoi prendre tous ces risques, défier la loi et risquer la prison ?
Ilian soupira profondément.
- Vivian m’a pratiquement élevé… Nos parents étaient toujours partis sur des fouilles ou pour des conférences et j’ai passé une bonne partie de mon enfance seul avec ma grande sœur. Quand elle a commencé à voler, j’ai bien sûr voulu faire comme elle. Elle en profitait et se servait de moi pour faire le guet pendant qu’elle piquait du maquillage ou des sucreries. Quand on a grandi et qu’elle a commencé à viser « plus gros et plus cher », comme elle disait, je l’ai suivie. Ca m’amusait… même si je savais que c’était mal, j’étais devenu accro aux décharges d’adrénaline qui me traversaient à chaque fois. Et puis, je ne me voyais pas la laisser tomber ! Même si parfois – souvent – elle m’exaspère, Vivian est ma sœur.
- Pourtant, tu m’as dit que tu voulais tout arrêter quand tu as découvert pour moi… s’étonna Tenshi.
- C’est la première fois que j’ai quelqu’un dans ma vie qui est plus important que Viv, plus important que tout… plus important que ma propre vie…
Ilian sentit les larmes inonder ses yeux mais ne fit rien pour les empêcher de couler.
- Je t’aime, Tenshi… Je t’aime comme je n’ai jamais aimé personne avant toi… Je voulais arrêter pour ne pas avoir à te mentir et ne pas risquer de te perdre… mais je crois qu’à présent, tout est fichu… par ma faute…
Il ferma les yeux, ne pouvant plus soutenir le regard intense du métis. Une boule de désespoir opprimait sa poitrine, rendant sa blessure encore plus douloureuse qu’elle ne l’était déjà. C’est alors qu’il sentit les lèvres de Tenshi se poser sur les siennes pour un très doux baiser. Ce geste, au lieu de soulager son angoisse, ne fit que l'attiser. Il ne put retenir un sanglot et, les mains tremblantes, il repoussa son amant.

***

Tenshi se redressa, surpris de la réaction de son compagnon. Il lui caressa tendrement le visage, essuyant les larmes qui roulaient abondamment sur ses joues.
- Ilian... Quoi que tu aies fait avant cet instant, je m'en fiche... Je t'aime trop...
- Si tu connaissais... la... la vérité, bredouilla le blond entre deux sanglots, tu ne dirais... pas ça...
- Je suis sûr que ça ne peux pas être si terrible, tenta de le rassurer le métis en souriant légèrement.
Son amant ne répondit pas immédiatement. Il essuya son visage humide du revers de la manche, puis prit une grande inspiration avant de lancer :
- J'ai tué un homme !
Tenshi se figea, sous le choc. Ilian détourna les yeux, puis reprit :
- C'était il y a deux ans, le jour de mon anniversaire... Vivian avait projeté de dévaliser une bijouterie du centre-ville. Tout se passait bien, on avait pris ce qu'elle était venue chercher et on s'apprêtait à repartir lorsqu'un vigile a déboulé de nulle part. Il était armé et a pointé son flingue sur Vivian. Je me tenais dans l'ombre et, avec ma combinaison noire, il ne pouvait pas me voir. Je me suis glissé le plus près possible et je me suis jeté sur lui... on a roulé sur le sol... il tenait fermement son arme... un premier coup est parti, la balle a dû atterrir dans un mur. Il n'était pas très agile mais assez costaud et j'avais du mal à prendre le dessus sur lui. Alors qu'on se battait, un autre coup est parti... et cette fois, la balle s'est logée dans sa poitrine... Je ne sais même pas comment j'ai quitté la bijouterie... j'étais sous le choc... et Vivian qui faisait comme si de rien n'était, comme si je n'avais pas tué cet homme !
- Tu ne l'as pas vraiment tué, souffla Tenshi. C'était un accident...
- C'était de ma faute ! Si on ne s'était pas battus, il ne serait pas mort... et ses deux petites filles auraient encore un père...
Les larmes inondaient à nouveau les yeux d'Ilian. Cette fois-ci, son compagnon se rallongea près de lui et l'attira dans ses bras.
- Je me suis juré que je n'utiliserai jamais d'arme... souffla le blond, le visage enfoui dans l'épaule de son compagnon. Quand j'ai vu le revolver de Vivian, tout ça m'est revenu en pleine figure... une fraction de seconde, je t'ai vu mort...
- Chut... je suis là, bien vivant... et je ne t'abandonnerai jamais... quelques soient les erreurs que tu aies pu commettre avant, je t'aime et rien ne pourra changer ça... Repose-toi, Ilian, je veille sur toi...
Tenshi sentit enfin son compagnon se détendre entre ses bras. Quelques minutes plus tard, le blond dormait profondément. Le métis tenta de rester éveillé, mais la fatigue fut plus forte et finit par l'emporter à son tour.


Ilian fut réveillé par la douleur qui s’était remise à pulser dans son côté droit lorsque les médicaments avaient cessé de faire effet. Il se redressa lentement, grimaçant, tout en faisant attention à ne pas réveiller Tenshi qui dormait encore profondément près de lui. Le souffle court, le blond réussit à s’asseoir au bord du lit, puis se leva. Il jeta un coup d’œil autour de lui, vit à la pendule sur le mur qu’il était presque midi et, avisant une porte, il quitta la chambre. Il se retrouva dans un petit couloir désert. Une autre porte donnait sur une salle de bains où il alla soulager sa vessie et se passer un petit peu d’eau sur le visage. Il baissa la tête pour regarder l’état de sa combinaison que le médecin avait largement découpée pour soigner sa blessure. Celle-ci s’était remise à saigner lorsqu’il s’était levé. Il soupira, grimaça à nouveau à cause de la douleur, puis fit volte-face pour retourner dans la chambre. Alors qu’il reposait le pied dans le couloir, il se trouva face à un homme plus grand que lui, à la peau noire, qui le fixait d’un air peu avenant. Il reconnut le parrain de Tenshi qu’il avait vu en photo dans le bureau de son amant au Dojo et comprit qu’il se trouvait en présence d’Eagleman.
- Bonjour… bredouilla Ilian, les joues rouges.
- Vous comptiez aller où ?
- Nulle part… enfin, juste dans la chambre… Ecoutez, je…
- Je ne veux rien savoir, votre vie ne m’intéresse et ne me concerne pas. Mais je tiens à vous prévenir : je veille sur Tenshi depuis la mort de ses parents. Son père était mon meilleur ami et je le considère comme mon propre fils. Si jamais vous lui faites du mal, je vous jure que je vous tue de mes propres mains. C’est compris ?
Ilian déglutit difficilement, puis répondit :
- Compris… Je voulais juste vous dire que je l’aime… et que si jamais je le fais souffrir, vous n’aurez pas à vous salir les mains…
Ils restèrent un long moment à se jauger du regard, refusant autant l’un que l’autre de baisser les yeux. Leur échange silencieux fut interrompu par l’arrivée de Tenshi. Le brun se tenait dans l’encadrement de la porte, les cheveux en bataille, l’air endormi.
- Qu’est-ce qui se passe ici ?
Ce fut Mike qui répondit :
- Je faisais connaissance avec ton ami.
- Ilian, tu ne devrais pas être debout ! le gronda le métis, semblant ne pas remarquer l’animosité dont faisait preuve son parrain envers son amant.
- J’avais besoin d’aller aux toilettes, répondit le blond.
Il rejoignit son compagnon qui s’effaça pour le laisser entrer dans la chambre, puis alla se rallonger, fatigué par sa petite promenade et sa courte discussion avec Mike.

***

Tenshi referma la porte de la chambre, puis fit signe à son parrain de le suivre hors du couloir. Une fois dans le hangar, il lança :
- Je sais que tu n’aimes pas Ilian parce qu’il est le Voltigeur…
Alors que Mike ouvrait la bouche pour répondre, le jeune homme leva la main pour l’arrêter et continua :
- Même si c’est un criminel, c’est l’homme que j’aime. Je ne te demande pas de l’apprécier, mais juste d’accepter sa présence. De plus, il est hors de question que je le dénonce aux autorités. Et si tu tentes quoi que ce soit à l’encontre de ma décision, je pars avec lui si loin que tu ne pourras jamais me retrouver ! C’est compris ?
Mike soupira, puis souffla :
- Tu sais qu’il va falloir qu’on s’occupe de la Funambule ? Elle a essayé de te tuer, elle est dangereuse… et maintenant qu’on a son complice, qui n’est autre que son frère, tu crois vraiment qu’elle va rester sans réagir ? Je suis sûr qu’elle va tout tenter pour le retrouver.
Tenshi n’était pas persuadé que son ami ait raison, vu ce que son compagnon lui avait dit de Vivian. Mais il savait qu’il y avait un risque infime que la jeune femme décide de récupérer son frère coûte que coûte.
- Pour l’instant, je vais aller changer son pansement. On reparlera de tout ça ce soir.
- Ok.
Mike s’éloigna vers les escaliers qui redescendaient dans la maison. Tenshi le suivit des yeux, puis retourna dans la chambre. Ilian s’était rendormi, étendu sur le côté gauche. Le métis sentit une bouffée de tendresse l’envahir en voyant l’air vulnérable de son compagnon. Il s’accroupit à côté de lui, puis caressa avec douceur la joue du blond qui ouvrit lentement les yeux.
- Désolé de te réveiller, mais il faut que je refasse ton pansement.
Il aida son amant à s’asseoir, puis retourna dans la salle de bains chercher le sac en papier où Tsuki avait mis tout ce dont il aurait besoin. Il amena également un verre d’eau et commença par donner à Ilian ses médicaments contre la douleur. Il l’aida ensuite à ôter sa combinaison. Lorsqu’il se retrouva en boxer, le blond demanda :
- Tu crois que je pourrais bientôt prendre une douche ?
- Je pense qu’il faut éviter de mouiller le pansement… j’appellerai Tsuki, l’amie médecin qui t’a soigné, pour lui demander.
Tenshi enleva ensuite le bandage souillé. Alors qu’il nettoyait la blessure, prenant mille précautions pour ne pas faire mal à son compagnon, celui-ci interrogea :
- Qu’est-ce qu’on va faire pour Vivian ?
- Je ne sais pas… Tu crois qu’elle va tenter de venir te chercher ?
Ilian ne répondit pas de suite, mais souffla finalement :
- Je n’en sais rien… avant hier, je ne l’aurais jamais crue capable de tirer sur quelqu’un… et pourtant… Je n’arrive toujours pas à comprendre pourquoi elle a fait ça… Aïe !
- Désolé ! s’excusa Tenshi.
Il termina de nettoyer la plaie puis refit le bandage. Lorsqu’il eut fini, il demanda :
- Tu as faim ?
- Un peu.
- Rallonge-toi, je vais aller nous préparer quelque chose à manger.
- D’accord.
Le métis aida son compagnon à se réinstaller confortablement sur le lit, le couvrit du drap et resta un instant à le contempler avant de quitter la chambre.

***

Cela faisait trois jours qu’Ilian vivait reclus dans la petite chambre. Malgré la présence quasi-permanente de Tenshi à ses côtés, il s’ennuyait. Sa blessure guérissait bien et il n’avait presque plus mal. Ce matin-là, alors qu’il finissait de prendre son petit-déjeuner avec son compagnon, il demanda :
- Qu’est-ce que Mike et toi comptez faire de moi ?
- Que veux-tu dire ?
- Vous allez me donner aux flics ?
- Il en est hors de question ! s’indigna Tenshi.
- Je mérite de payer pour mes crimes… souffla Ilian, touché par la réaction de son compagnon.
- D’après ce que tu m’as dit, c’est Vivian qui est responsable de tout. A ce propos…
Le métis sortit son téléphone de la poche de son jean :
- Elle a laissé un message sur mon portable cette nuit…
- Quoi ?
- Elle a utilisé le tien pour avoir mon numéro.
Il appela sa messagerie puis mit le haut-parleur. La voix de la jeune femme s’éleva dans la pièce :
- Est-ce qu’Ilian va bien ? J’ai besoin de lui, rendez-le moi ! C’est mon frère ! Je sais qui vous êtes et je saurai vous retrouver si vous lui faites du mal ! Je suis prête à un compromis pour que vous me rendiez mon petit frère. Appelez-moi sur son portable.
Ilian n’en revenait pas. Il n’aurait jamais cru que sa sœur tenait autant à lui.
- Tu crois qu’elle est sincère ? demanda Tenshi, le tirant de ses pensées.
- Aucune idée…
Le métis se leva en soupirant et prit le plateau pour le ramener dans la maison. Son compagnon lui demanda soudain :
- Mike est là ?
- Euh… oui… pourquoi ? s’étonna le brun.
- J’aimerais lui parler… enfin, vous parler à tous les deux ensemble…
- Ok. Suis-moi !
Ils quittèrent la chambre et se dirigèrent vers la maison en passant par l’escalier secret qui descendait depuis le hangar le long de la montagne.

Lorsqu’ils arrivèrent dans la cuisine, Mike était en train de lire le journal. Il leva les yeux et fronça les sourcils en voyant Ilian. Celui-ci prit place sur le tabouret que lui désignait son compagnon, puis lança :
- J’ai eu une idée pour vous aider à attraper Vivian.
Incrédule, Mike souffla :
- Et pourquoi vous feriez ça ?
- Je ne veux plus qu’elle gâche ma vie… je veux qu’elle aille en prison… peut-être que ça lui remettra les pieds sur terre…
- Mais… si elle se fait prendre… elle va te dénoncer ! s’exclama Tenshi.
- Je te l’ai dit, je suis prêt à assumer les conséquences de mes actes. Si je dois aller en taule, j’irai…
Le métis allait répliquer mais Mike fut plus rapide :
- Quelle est votre idée pour la mettre hors d’état de nuire ?
- Un échange… Je suppose que Tenshi vous a fait écouter le message qu’elle a laissé sur son portable cette nuit ?
Le Noir acquiesça d’un signe de tête.
- Vous allez l’appeler et lui proposer de m’échanger contre les bijoux Cartier…
Ilian détailla son plan. Lorsqu’il eut terminé, Mike hocha la tête :
- C’est une très bonne idée… mais vous êtes vraiment sûr que vous voulez faire ça ? C’est votre sœur, après tout…
Le jeune homme passa une main dans ses cheveux blonds, soupirant :
- Je veux repartir à zéro… devenir enfin quelqu’un d’honnête… quelqu’un digne d’être aimé par un être aussi formidable que toi, Tenshi…
- Je…
Le métis se releva et s’approcha de son compagnon. Il se pencha pour le serrer dans ses bras, lui murmurant à l’oreille :
- Je ne veux pas te perdre… Je ne veux pas que tu ailles en prison…
Ilian repoussa doucement son amant, puis lui sourit :
- Je n’en ai pas vraiment envie non plus… Mais si tu me promets de venir me voir et de m’attendre, ça me donnera le courage d’assumer mes responsabilités…
- Je te le promets, souffla le métis avant de l’embrasser tendrement.
Au bout d’un moment, Mike toussota. Ils se séparèrent en sursautant, tous les deux ayant oublié qu’ils n’étaient pas seuls.
- Tenshi, passe-moi ton portable. Il faut qu’on fasse ça ce soir, avant qu’elle ait changé d’avis !
- Laissez-moi lui parler, s’il vous plait… demanda Ilian. Je saurais si elle est sincère ou non.
- D’accord. Mais mettez le haut-parleur.
Le blond acquiesça. Il composa le numéro de son propre téléphone et posa l’appareil sur la table après avoir enclenché la fonction mains-libres.
- Allô ?
- Viv, c’est moi.
- Ily !
Le jeune homme grimaça mais ne la reprit pas.
- Comment tu vas ? demanda sa sœur.
- Bien. Ma blessure n’était pas très grave.
- Ils sont avec toi ?
- Oui. Ils sont d’accord pour me laisser partir si tu rends les bijoux Cartier.
Il y eut un blanc à l’autre bout du fil, puis la voix de Vivian reprit :
- Ils veulent un échange ?
- Oui.
Ilian lui laissa un moment, et, voyant qu’elle ne répondait pas, il demanda :
- Viv ? Tu es d’accord ?
- Comment on fait ?
Le jeune homme donna les instructions à sa sœur. Quand il eut fini, il raccrocha et leva les yeux vers Tenshi :
- Elle ne veut pas me récupérer. Je l’ai entendu dans sa voix, elle n’en a rien à faire de moi… Je suis certain qu’elle va être armée et qu’elle va tenter de vous tuer tous les deux.
- Eh bien, nous l’attendrons ! lança Mike en se levant. Venez, on va tout préparer !

***

Tenshi était nerveux. Assis sur sa moto, dissimulé dans les fourrés, il était prêt à bloquer la retraite de Vivian mais avait un très mauvais pressentiment. Tout au fond de lui, une angoisse sourde montait peu à peu, rendant sa respiration difficile et faisant pulser le sang à ses oreilles.
De l’autre côté du pont qui surplombait la rivière tumultueuse, Mike et Ilian attendaient dans la jeep. Il était minuit précises lorsque le véhicule de la jeune femme s’engagea sur le pont du côté où Tenshi était posté. Il attendit qu’elle soit bien avancée pour la suivre, tous feux éteints. Lorsqu’elle s’arrêta, il stoppa sa moto à une dizaine de mètres derrière elle, en travers de la route, lui coupant ainsi toute possibilité de fuite. Les phares du 4x4 de Mike s’allumèrent alors qu’il avançait à la rencontre de la Funambule. Eagleman descendit du véhicule, puis en fit le tour et fit sortir Ilian qui était assis sur le siège passager. Les mains du jeune homme étaient entravées devant lui. Vivian, vêtue de sa combinaison moulante, un sac sur le dos, sortit à son tour de sa voiture, s’avança de deux pas et stoppa.
- Ily, tu vas bien ?
- Oui. Pose les bijoux deux mètres devant toi et recule jusqu’à ta voiture.
La jeune femme obéit. Mike prit le bras d'Ilian et le fit avancer jusqu'au sac.
- Ouvre-le !
Le blond obéit, montra le contenu à l'autre homme, puis le lui donna. Eagleman recula jusqu'à sa jeep mais Ilian resta dans la lumière des phares, immobile.
- Qu'est-ce que tu attends ? Lança Vivian, impatiente. Viens !
- Non, répondit simplement son frère.
- Quoi ?
- Je ne viendrai pas avec toi, Viv. Tout est fini...
- Qu'est-ce que tu racontes ? Viens ici tout de suite !
- Non !
Tenshi profita du trouble de la Funambule pour se glisser sans bruit dans son dos. Il banda ses muscles, s'apprêtant à la ceinturer lorsqu'elle fit soudain volte-face et lui planta le canon d'un revolver entre les deux yeux. Malgré la pénombre, il pouvait voir une lueur de haine dans le regard azur de la femme :
- Tout ça, c'est de ta faute !
- Vivian, laisse-le ! Hurla son frère en s'approchant.
- Ne bouge pas, Ily !
Le jeune homme obéit. Son arme toujours braquée sur le visage de Tenshi, elle continua :
- Si tu ne l'avais pas détourné de moi, Ilian serait toujours le même ! On aurait pu continuer à voler comme avant ! Mais il a fallu que tu lui mettes en tête cette idée de m'abandonner... de tout abandonner...
- Il n'y est pour rien, Viv ! Ca fait plusieurs mois que je veux arrêter ! Même si je n'avais pas rencontré Tenshi, j'aurais laissé tomber.
Vivian fit signe au métis de se déplacer vers la lumière. Il obéit, les mains levées, le regard fixé sur l'arme qui était toujours pointée sur lui.
- A genoux ! Les mains sur la tête !
Tenshi obéit à nouveau. Il savait que Mike se tenait prêt à agir, mais qu'il ne pouvait rien faire tant que Vivian le tiendrait en joue. Sans le quitter des yeux, la jeune femme lança à son frère :
- Maintenant, je vais me débarrasser de lui une fois pour toutes ! Et comme ça, on pourra continuer comme avant, plus rien ne nous en empêchera...
Le métis vit du coin de l'œil son compagnon s'approcher et s'arrêter juste à côté de lui.
- Si tu le tues, plus rien ne sera comme avant, Viv... parce que si tu le tues, je te jure que je me jette du haut de ce pont...
Surprise, Vivian leva les yeux vers son cadet, détournant ainsi, une fraction de seconde, son attention de Tenshi. Celui-ci en profita pour plonger au sol. Il entendit une détonation et, lorsqu'il releva la tête, il vit une fléchette soporifique plantée dans la poitrine de la Funambule, en plein dans le cœur. Elle lâcha son arme et tituba en arrière. Le métis comprit immédiatement que le somnifère n'était pas entièrement entré dans son organisme. Normalement, elle aurait du s'effondrer instantanément, mais là, même si elle était groggy, elle était toujours consciente. Elle recula encore, s'approchant dangereusement du parapet.
- Non... je n'irai pas en prison ! JAMAIS ! Hurla t'elle.
Malgré son état, et avant que les trois hommes aient eu le temps de réagir, elle sauta sur la rambarde du pont et plongea dans les eaux sombres, presque cinquante mètres plus bas.
- NON !
Ilian se précipita, mais la jeune femme avait déjà disparu dans le fleuve. Le blond se laissa glisser au sol, sous le choc. Son compagnon s'agenouilla à côté de lui et le prit dans ses bras.
- Je vais aller prévenir les autorités, lança Mike, les laissant seuls.
Tenshi déposa un baiser dans les cheveux d'Ilian et souffla :
- Elle a pu s'en sortir...
Son amant ne répondit pas, se contentant d'enfouir son visage dans le cou du métis. Celui-ci était partagé entre deux sentiments contradictoires : la sollicitude envers la tristesse qu'éprouvait son compagnon et le soulagement à l'idée que Vivian ne pourrait plus jamais se mettre en travers de leur amour.


Cela faisait une semaine que Vivian avait disparu. Les deux premiers jours, Ilian avait gardé espoir qu'elle soit toujours en vie, mais lorsque les autorités avaient cessé les recherches, il s'était résigné. Même si elle lui avait fait du mal, elle restait sa sœur et, tout au fond de lui, il souffrait de sa mort. Le plus dur avait été le moment où il avait dû appeler ses parents au Caire pour leur annoncer l'horrible nouvelle. Il avait dû leur mentir, il ne pouvait pas se résigner à leur avouer que Vivian était une criminelle... et qu'il en était un également...
Ses parents prirent le premier avion pour rentrer aux USA. Ilian leur annonça qu'il ne vivrait plus dans leur maison. Il ne pouvait plus rester dans cet endroit qui lui rappelait sans arrêt ce qu'avait fait Vivian. Compréhensifs, ils mirent la demeure en vente.

Ilian suivit des yeux l'avion qui roulait sur le tarmac, prêt à décoller pour ramener ses parents au Caire. Il était seul, il n'avait pas voulu que ses géniteurs rencontrent Tenshi, il n'était pas prêt à leur parler de lui, pas après ce qui était arrivé. Il soupira, puis quitta l'aéroport. Il monta dans un taxi, lui donna sa destination et ferma les yeux. Quelques minutes plus tard, il descendit du véhicule, puis remonta lentement l'allée. Il s'arrêta devant la pierre tombale qui surplombait un cercueil vide. Depuis que Vivian était tombée dans le fleuve, il n'avait pas pleuré. Pas une seule larme n'avait coulé sur ses joues. Son cœur était noyé de chagrin, mais il ne parvenait pas à l'exprimer. Il se laissa tomber assis sur le sol, murmurant :
- Je suis désolé... je ne voulais pas que ça se termine comme ça... tu avais beaucoup de défauts... je t'ai parfois haïe... mais tu étais ma sœur... et je t'aimais... pardonne-moi, Vivian...
Il entendit des pas derrière lui, mais ne se retourna pas. Il savait de qui il s'agissait. Il ne bougea pas non plus lorsque l'autre personne s'accroupit à ses côtés et qu'il se retrouva enlacé entre des bras puissants. Il gémit :
- Tout est de ma faute...
- Ne dis pas ça... souffla la voix de Tenshi au creux de son oreille.
- Pourtant, c'est la vérité... J'aurais dû faire quelque chose...
- Tu ne pouvais rien faire. Je t'en prie, ne te tortures plus avec ça... mon amour...
La boule de chagrin qui compressait le cœur d'Ilian explosa soudain. Il fondit en larmes entre les bras de son compagnon, le corps secoué de violents sanglots. Tenshi le serra un peu plus fort, lui caressant les cheveux et lui murmurant des mots de réconfort. Ils restèrent ainsi un long moment, jusqu'à ce qu'Ilian parvienne à retrouver son calme. Il essuya son visage humide d'un revers de la manche, puis se releva avec l'aide de son amant.
- Rentrons, souffla celui-ci.
Le blond le suivit sans un mot. A la sortie du cimetière, il s'arrêta soudain, surprenant le métis qui demanda :
- Qu'y a t'il ?
- Je veux quitter cette ville !
- Mais pour aller où ?
- Je ne sais pas... n'importe où... ailleurs... pas pour toujours, mais juste le temps que j'arrive à me pardonner ce qui s'est passé...
Tenshi l'enlaça à nouveau et sourit :
- J'ai toujours rêvé de traverser les USA à moto... Si tu penses être capable de me supporter pendant de longs mois...
- Je ne veux pas t'obliger à partir. Je sais que tu as le Dojo et... le reste...
- Ne t'en fais pas pour ça. Mes employés sauront bien faire tourner le Dojo sans moi... et pour le reste, je pense que Mike se débrouillera.
- Il risque de ne pas apprécier...
Le métis haussa les épaules :
- Et alors ? Ce n'est pas sa vie, c'est la mienne... c'est la notre... Je t'aime trop pour te laisser partir sans moi.
Ilian sourit enfin, rassuré. Avec Tenshi à ses côtés, il était prêt pour ce nouveau départ.


Fin.