Les meilleurs ennemis
Summary: Deux hommes que tout oppose vont se rencontrer grâce à un coup de pouce du destin. L'un est du côté du bien, l'autre du mal. Leur histoire d'amour pourra t'elle survivre à la découverte de la vérité ? (oui, je sais, le résumé est pourri, mais lisez s'il vous plaît, cette fic en vaut la peine ! ^^)
Genre : Slash – NC - 17
Les personnages de cette fiction m'appartiennent entièrement. Merci de ne pas les utiliser.
Ilian s'installa au bar, commanda un cocktail sans alcool et parcourut la piste de danse du regard. Il était encore tôt, seuls quelques habitués se déhanchaient déjà sur la musique assourdissante. Il sirota son verre tranquillement, savourant cette première soirée de tranquillité depuis longtemps. Il attrapa son portable dans sa poche de jean et l'éteignit : il n'avait aucune envie que Viv le dérange. Même s'il le lui avait bien fait comprendre avant de quitter la maison, il savait que sa sœur n'hésiterait pas à l'appeler s'il lui prenait l'envie d'aller faire un tour chez l'un de ses fournisseurs préférés. Le jeune homme rangea son téléphone, puis passa une main dans ses cheveux blonds qui lui tombaient sur les épaules. Pour cette soirée de détente, il s'était mis sur son 31, bien décidé à ne pas finir la nuit tout seul. Son jean noir était moulant, juste ce qu'il fallait pour mettre en valeur sa silhouette fine tout en étant confortable. Sa chemise bleu ciel était assortie à ses yeux clairs et il avait sorti sa veste en cuir, celle qu'il ne mettait que pour les grandes occasions, mais qui se trouvait pour l'instant au vestiaire.
Alors qu'ils parcourait les lieux du regard, ses yeux se posèrent soudain sur un inconnu qui ne pouvait qu'éveiller son intérêt. L'homme était grand, à peu près comme lui et portait un jean bleu et un tee-shirt noir. Sa tenue n'attirait pas les regards, en revanche son visage était celui d'un ange : des traits fins, une peau cuivrée sûrement due à un métissage, des yeux en amande semblables à ceux des asiatiques, une bouche délicieusement tentatrice et de courts cheveux bruns qui retombaient en mèches sur son front. D'où il était, Ilian crut discerner que les iris de l'inconnu étaient d'un vert plutôt inhabituel. Mais il savait que les éclairages de la boîte pouvaient être trompeurs.
Son regard ne quitta pas le bel inconnu lorsque celui-ci s'approcha lentement du bar, apparemment inconscient de l'attention qu'il attirait sur lui. Ilian savait qu'il n'aurait pas d'autre chance de l'aborder et s'approcha rapidement. De près, l'inconnu était encore plus attirant. Son regard vert perçant se posa sur Ilian qui sentit sa température corporelle grimper en flèche. L'homme se pencha vers lui et lui souffla à l'oreille :
- On danse ?
Ilian ne put qu'accepter lorsque l'autre plongea son regard envoûtant dans le sien. Les deux hommes se dirigèrent vers la piste et commencèrent à onduler au rythme de la musique. Ils ne se touchaient pas, mais l'air semblait chargé d'électricité entre eux. Au bout d'un moment, la techno fit place à un slow. Avant qu'il ait eu le temps de réagir, Ilian se trouva emprisonné entre les bras puissants de l'inconnu. Lui qui avait l'habitude de mener les choses se trouvait plutôt désappointé, mais il n'aurait laissé sa place pour tout l'or du monde.
Son visage se retrouvait à quelques centimètres de celui de son bel inconnu. Il n'avait qu'à tendre un peu le cou pour l'embrasser, mais il avait peur de rompre la magie de l'instant. C'est alors que l'autre souffla :
- Je m'appelle Tenshi.
- Ilian.
Ils dansèrent encore un peu en silence, puis Tenshi souffla :
- Bel Ilian... j'ai envie de t'embrasser...
- Ne te gêne pas, répondit le blond.
A peine avait-il fini sa phrase que ses lèvres se retrouvaient captives de celles du brun. Leurs langues se rencontrèrent rapidement alors que le désir enflammait les sens d'Ilian. Lorsqu'ils se séparèrent, ils n'eurent pas besoin de mots. Ils quittèrent la piste, main dans la main, et se dirigèrent vers la sortie de la boîte. Ilian récupéra sa veste en cuir, Tenshi un blouson en jean, puis ils sortirent. L'air était frais dehors. Ils commencèrent à marcher vers le parking qui se trouvait quelques mètres plus loin, mais le brun attrapa soudain le blond par le bras et l'attira dans une ruelle déserte. Là, il le plaqua contre le mur pour l'embrasser avec fougue.
Leurs mains commençaient à tenter de se glisser sous leurs vêtements lorsqu'une sonnerie retentit. Tenshi s'écarta d'Ilian et grogna :
- Désolé...
Il sortit un portable de sa poche, jeta un coup d'œil rapide à l'écran et jura :
- Et merde !
- Un problème ? Demanda Ilian, encore un peu essoufflé du baiser qu'ils venaient d'échanger.
- Je dois partir. Je suis désolé... Mais... si tu le veux bien, on pourrait se revoir pour terminer ce qu'on a commencé ?
- Avec plaisir, sourit le blond.
Tenshi lui tendit un papier :
- C'est mon numéro. Appelle-moi !
Et il partit avant qu'Ilian ait eu le temps de lui donner son propre numéro. Il resta un moment à fixer la carte qu'il avait entre les mains, puis décida de rentrer chez lui. Il n'avait plus le cœur à draguer quelqu'un d'autre après une telle rencontre.
***
Tenshi poussa la porte de la maison en râlant :
- J'espère que c'est important, tu m'as interrompu juste quand...
- C'est la Funambule, répondit une voix grave à l'autre bout de la pièce.
Un homme Noir d'une quarantaine d'années, plus grand que Tenshi, les épaules larges et la carrure massive, s'approcha et lança :
- Tu pilotes !
- Vraiment ? Sourit le métis.
- Oui ! C'est pour te consoler de ce que j'ai interrompu !
- Merci, Mike !
Le jeune homme se rendit dans une autre pièce pour se changer. Il enfila une combinaison vert foncé, plutôt moulante, ornée du kanji japonais signifiant samouraï et une cagoule de la même couleur qui ne laissait voir que ses yeux en amande.
Il rejoignit ensuite Mike, vêtu du même type de combinaison, mais entièrement noire, avec un symbole blanc représentant un aigle aux ailes ouvertes, couvrant tout le torse. Les deux hommes se rendirent dans le garage, puis passèrent une porte dérobée, dissimulée dans le mur du fond. La maison avait été construite à flanc de montagne, à une dizaine de kilomètres de la ville, et le passage qu'ils empruntaient à présent les menaient à une grotte au-dessus de l'habitation. Là, ils montèrent dans un hélicoptère noir que Tenshi fit démarrer et prendre la direction de la mégapole qui s'étendait à leurs pieds.
A peine dix minutes plus tard, ils se posaient sur le toit d'un immeuble désaffecté. Leur appareil, très silencieux, était également invisible aux radars, ce qui leur permettait de circuler dans l'espace aérien de la ville sans risquer de se faire repérer par les forces de police. Au cours du trajet, Mike avait mis Tenshi au courant de la situation et les deux hommes se dirigèrent directement vers leur objectif. Lorsqu'ils y arrivèrent, ils virent une voiture de sport grise stationnée à deux pâtés de maison d'une bijouterie de luxe.
- Elle est déjà là ? Souffla le jeune homme alors que son collègue scrutait les lieux avec des jumelles à infrarouge.
- Sûrement à l'intérieur... Le mieux est d'empêcher sa fuite.
- Je m'occupe de la voiture !
Tenshi se laissa glisser le long du mur de l'immeuble. Il se déplaçait furtivement et rapidement, invisible et silencieux. Arrivé en bas, il se dirigea vers la voiture grise si familière et se camoufla à côté, se fondant dans l'ombre. Il savait que Mike devait s'être posté près de la bijouterie, afin de pouvoir prendre la Funambule en tenailles entre eux dès qu'elle sortirait de là.
L'attente fut de courte durée. Très vite, il aperçut une silhouette se faufiler hors du bâtiment et se diriger vers lui. Alors qu'il s'apprêtait à bondir pour empêcher la Funambule d'entrer dans sa voiture, une autre personne émergea soudain du néant et lui fonça dessus. Tenshi roula sur le sol pour éviter l'intrus. Celui-ci se jeta à nouveau sur lui et tenta de le frapper au visage, mais le métis fut plus rapide. Il décocha un coup de pied dans les côtes de son assaillant qui recula mais revint aussitôt à la charge. Trop occupé à éviter les attaques de son adversaire, Tenshi ne vit pas la murette derrière lui et butta dedans. Ce fut ce qui permit à l'autre de le toucher, l'assommant d'un coup de poing à la tempe.
Tenshi avait horriblement mal à la tête. Il ouvrit les yeux, mais la lumière vive lui fit encore plus mal. Il avait eu le temps, avant de refermer les paupières, de voir qu'il se trouvait dans sa chambre, dans son lit.
- Eh ! Tu reviens enfin parmi les vivants ! S'exclama Mike, une pointe d'inquiétude dans la voix.
- Tu peux parler moins fort, s'il te plait ? Gémit le jeune homme.
Il tenta de s'asseoir, mais tout tournait autour de lui et fut obligé de se rallonger. Son ami lui sourit :
- Tu as pris un sacré coup ! Tu es tombé en arrière et tu t'es cogné le crâne sur le sol, pour arranger le tout !
- Ca explique les marteaux-piqueurs dans ma tête...
- Je t'ai donné de quoi soulager tout ça. Ca devrait bientôt faire effet.
- La Funambule ?
- Elle s'est enfuie...
Tenshi soupira en se passant une main sur le front.
- C'est de ma faute...
- Non. Comment on aurait pu prévoir qu'ils seraient deux ? Comme je te l'ai dit, mon informateur m'avait assuré que le Voltigeur ne serait pas là et que la Funambule serait seule ce soir.
- On s'est fait avoir... et ils ont eu les bijoux.
- Le principal, c'est que tu ailles bien. Tu m'as fait une de ces peurs !
Cette fois-ci, le jeune homme réussit à s'asseoir, malgré la douleur et les nausées.
- J'ai juré à ton père de veiller sur toi... souffla Mike en s'asseyant à côté de lui. Si jamais il t'arrivait malheur, il serait capable de revenir du paradis pour me tuer !
Tenshi sourit. Les rares fois où, lors d'une mission, il était blessé, son ami lui disait toujours la même phrase.
- Allez, je te laisse dormir ! Lança Mike en se relevant. Bonne nuit, Tenshi.
- Bonne nuit.
Le jeune homme se rallongea et referma les yeux. Alors qu'il commençait à glisser dans le sommeil, son esprit revint vers l'homme qu'il avait rencontré quelques heures plus tôt... Ilian...
***
Ilian était furieux. Il claqua la porte de la maison et fonça dans la salle de bains, les dents serrées. Alors qu’il ôtait sa cagoule, la voix de Vivian retentit de l’autre côté du battant :
- Ily ! Tu vas me faire la tête encore longtemps ?
Toujours aussi en colère, les joues rouges et les poings serrés, il ressortit de la pièce et se planta devant sa sœur. Celle-ci, vêtue de sa tenue noire ultramoulante, qui ne laissait aucune place à l’imagination, le dévisagea d’un air surpris :
- Qu’est-ce qui…
- Tu es inconsciente ! Eagleman et le Samouraï ont bien failli t’avoir ! Qu’est-ce qui t’a pris de partir toute seule ?
- Tu m’as dit que tu voulais être tranquille ce soir.
- Ca ne t’es pas venu à l’idée de rester sagement ici, pour une fois ?
- Arrête, Ily ! Tu n’es pas mon père !
- Ne m’appelle pas Ily ! Tu sais très bien que je déteste ce diminutif débile !
Il soupira profondément, tentant de calmer sa colère avant d’avoir un geste malheureux.
- Je me demande souvent lequel de nous deux est l’aîné… Tu te comportes comme une gamine trop gâtée ! Qu’est-ce qui se serait passé si je n’étais pas intervenu ?
- Mais tu es arrivé ! sourit Vivian en secouant sa longue chevelure blonde. Et la façon dont tu as eu le Samouraï…
- … était un pur coup de chance ! Il a trébuché et s’est assommé tout seul.
Le regard de la jeune femme se fit soudain pensif. Son frère sursauta lorsqu’elle souffla alors :
- Dommage que tu n’en aies pas profité pour te débarrasser définitivement de lui…
- Viv ! Je ne suis pas un tueur !
- Ca ne serait pourtant pas la première fois…
La colère d’Ilian refit surface avec violence.
- Ne me parle plus jamais de ça !
Et il claqua la porte au nez de sa sœur. Le front appuyé contre le battant, le corps tremblant de rage à peine contenue, il attendit qu’elle s’éloigne. Il prit plusieurs grandes inspirations pour tenter de se calmer. Ce fut difficile mais il y parvint finalement et se détacha de la porte pour aller faire couler l’eau dans la douche. Il se déshabilla entièrement, puis se planta devant le miroir. Son reflet lui renvoya l’image de son visage las et d’un voile d’amertume qui assombrissait son regard azur.
- Je ne suis pas un tueur…
Il ramena ses cheveux en arrière en soupirant. Les mots de Vivian avaient fait remonter en lui de très mauvais souvenirs qu’il aurait préféré oublier à tout jamais. Il entra enfin dans la cabine, s’adossa à la paroi et ferma les yeux, laissant l’eau chaude relaxer ses muscles tendus. Sur ses paupières closes, il revit soudain le visage de Tenshi et se rappela que le métis lui avait donné son numéro de téléphone. Quelque peu revigoré à cette pensée, Ilian se promit de l’appeler dès le lendemain matin.
***
Tenshi avait encore un peu mal à la tête lorsqu’il se leva. Il alla prendre une aspirine, puis quitta la maison pour son jogging quotidien. Il revint deux heures plus tard, monta se doucher et redescendit manger un morceau. Mike le rejoignit alors qu’il se servait un verre de jus de fruits multivitaminé.
- Ta tête va mieux ?
- Oui, merci.
- Tu fais quoi aujourd’hui ?
- Je vais au Dojo. Après ce qui s’est passé cette nuit, j’ai besoin de bosser ma concentration.
- On est dimanche ! Tu pourrais te reposer un peu…
- Ca te va bien de dire ça, Monsieur « bourreau de travail » ! sourit Tenshi en désignant d’un signe de tête l’ordinateur en pièces détachées que l’on pouvait apercevoir dans le salon.
Mike haussa les épaules en riant, puis retourna à son ouvrage. Tenshi termina son en-cas, alla chercher son sac à dos et partit. Il enfourcha sa moto avant de se diriger vers le sud de la ville. Quelques minutes plus tard, il se garait devant le Dojo Kenage dont il avait hérité à la mort de son grand-père maternel, ancien champion de Kendo. Tenshi donnait des cours d’arts martiaux, notamment aux enfants qu’il avait toujours adorés.
Le dimanche était le seul jour de fermeture du Dojo, le seul jour où Tenshi pouvait y travailler sans être dérangé. Il se changea et, vêtu de son seul pantalon de coton blanc, il alla dans une salle déserte. Très vite, il se rendit compte qu’il ne pouvait pas maintenir sa concentration à un niveau optimum. Son esprit le ramenait sans cesse à la soirée de la veille : en fermant les yeux, il pouvait encore sentir le goût de la bouche d’Ilian et la chaleur de son corps souple contre le sien. Il dut alors se rendre à l’évidence : le blond l’obsédait totalement. Et cela le terrifiait. Il ne voulait plus tomber amoureux. Il avait trop souffert par le passé et il ne voulait plus revivre ça. Et pourtant, parfois, comme la veille, il laissait parler ses envies et son instinct. Il avait eu plusieurs fois des aventures d’une nuit mais, lorsqu’il avait embrassé Ilian, il avait su que ça serait différent, que cette fois-ci, il ne pourrait pas partir à l’aube comme un voleur.
Tenshi soupira profondément. Il ramassa sa serviette, puis se dirigea vers le jardin zen aménagé dans la cour centrale du Dojo. Là, il s’assit en tailleur sur la terrasse en bois, ferma les yeux et laissa son esprit dériver au fil de ses pensées… qui le ramenèrent immanquablement à Ilian.
Ilian poussa la porte de l’agence
et entra en souriant. Son patron, Alan, lui jeta un regard amusé,
puis souffla :
- Encore une nouvelle conquête ce week-end
?
- Comme d’hab ! répondit le jeune homme en se
rendant dans les vestiaires.
Il sortit son portable de son sac et
regarda l’écran en fronçant les sourcils. Il
était contrarié. Il avait laissé un message à
Tenshi la veille en début d’après-midi, lorsqu’il
avait enfin émergé du sommeil, lui proposant un
rendez-vous, mais l’autre ne l’avait pas encore rappelé.
Si ça avait été n’importe qui d’autre,
Ilian aurait laissé tomber. Mais quelque chose de fort le
poussait vers Tenshi. Il voulait absolument le revoir afin de, il
l’espérait, terminer ce qu’ils avaient si bien
commencé.
Il fut tiré de ses pensées par
l’arrivée bruyante d’une bonne partie de ses
collègues. Il rangea son portable dans sa poche, puis enfila
le blouson rouge orné d’un oiseau jaune, emblème
de la compagnie de coursiers. Il s’assit sur le banc, chaussa
ses rollers et revint à l’accueil. Alan lança :
-
J’ai un colis très urgent pour le quartier asiatique et
trois lettres pour le centre.
- Je prends le colis ! répondit
Ilian en s’approchant du comptoir.
Son patron lui donna le
paquet. Le jeune homme lui sourit, puis quitta les lieux. Il partit
rapidement vers le sud de la ville. Une demi-heure plus tard, il
arrivait dans le quartier asiatique. Il consulta son GPS pour trouver
sa destination. Il ne lui fallut que cinq minutes pour arriver devant
le Dojo Kenage où il devait déposer son colis. Il resta
un petit moment à regarder la façade imposante, puis se
décida à entrer.
Une jeune femme brune, un badge
accroché à ton tee-shirt indiquant qu'elle s'appelait
Chris, se tenait derrière un comptoir et semblait plongée
dans la contemplation d’un bonzaï qui se trouvait près
d’elle. Ilian s’approcha, la faisant sursauter.
-
Désolé de vous avoir fait peur ! sourit-il. Je doit
remettre ce colis à Monsieur Westling.
- Il est occupé
pour l’instant, il donne un cours. Mais je vais le lui donner
dès qu’il aura terminé.
- Ok. Vous pouvez
signer ça ? demanda t’il en lui tendant le reçu.
La
femme parapha rapidement le papier, puis prit le colis et le rangea
dans un tiroir. Ilian jeta un coup d’œil vers une affiche
sur le mur et interrogea :
- Vous faites des cours pour adultes
débutants ?
- Bien sûr. Vous êtes intéressé
?
- J’ai toujours rêvé d’apprendre le
karaté, mais je n’ai jamais pris le temps de me
renseigner.
- Si vous le voulez, vous pouvez assister à un
cours pour voir comment ça se passe avant de vous inscrire.
-
Hum… pourquoi pas !
La femme lui donna un dépliant.
-
Les cours ont lieu tous les jours sauf le dimanche, de huit à
vingt heures. Si vous voulez voir un cours de karaté, il y en
a les lundis, mercredis et vendredis à dix-neuf heures. Le
Professeur Westling sera sûrement ravi d’avoir un nouvel
élève.
- D’accord. J’essayerai de venir
ce soir, si je peux.
La femme sourit et hocha la tête.
-
Alors peut-être à ce soir ?
- Oui. Bonne journée
!
Ilian rangea le dépliant dans sa poche et reprit la
direction de son agence.
Il était près de
dix-neuf heures quinze lorsqu’il revint devant le Dojo le
soir-même. Il se dépêcha d’ôter son
casque et ses rollers, les rangea dans son sac à dos, puis
entra. La même jeune femme que le matin lui sourit, derrière
son comptoir :
- Le cours est commencé, mais vous pouvez y
aller.
- Je ne voudrais pas déranger… s’excusa
Ilian.
- Ne vous en faites pas, j’ai prévenu le
Professeur Westling, il n’y a aucun problème.
Suivez-moi.
Elle le conduisit vers une porte fermée. Elle
ouvrit sans frapper, puis s’effaça pour le laisser
passer.
- Vous pouvez vous asseoir ici, souffla t’elle en
lui désignant un banc contre le mur.
- Merci, répondit
Ilian dans un murmure.
Il s’assit et se tourna vers le
professeur et les élèves. Un homme, assez grand, brun,
lui tournait le dos et parlait d’une voix forte à un
groupe d’hommes et de femmes assez disparate. Au bout d’un
moment, l’enseignant recula et se tourna pour laisser la place
sur le tatami à deux de ses élèves. Ilian sentit
son cœur faire un bond dans sa poitrine lorsque son regard
plongea dans deux iris d’un vert très
particulier.
***
Tenshi perdit le fil de sa phrase
quand son regard croisa celui, si bleu, d’Ilian. Il bafouilla,
se sentit rougir, puis se reprit et se tourna à nouveau vers
ses élèves. Il dut se faire violence pour ne pas passer
le reste du cours à regarder le blond. Il était troublé
de le voir ici, dans son antre, son refuge. Enfin, le cours se
termina. Il salua ses élèves et les suivit des yeux
alors qu’ils quittaient la pièce. Son regard se posa
alors sur Ilian qui s’était levé et attendait
près de la porte. Lorsqu’il l’avait vu, il avait
compris qu’il ne pouvait plus nier son attirance pour le blond.
Il s’approcha lentement, luttant contre le désir qu’il
sentait monter en lui.
- Bonsoir.
- Salut ! répondit
Ilian, souriant.
- Ainsi c’est toi l’hypothétique
nouvel élève de mon cours de karaté ?
- On
dirait bien. Tu as eu mon message ?
- Oui… Ecoute, je vais
aller me changer et, si ça te dit, on peut aller prendre un
verre.
- D’accord.
Ils allèrent ensemble à
l’accueil qui était à présent désert.
-
Attends-moi ici, je n’en ai pas pour longtemps.
Tenshi se
précipita dans les vestiaires du personnel, se doucha
rapidement et enfila ses vêtements de ville. A peine dix
minutes plus tard, il rejoignait l’autre homme. Celui-ci était
debout dans l’encadrement de la porte qui menait à la
cour intérieure et regardait le jardin zen.
- C’est
joli, souffla t’il.
- Merci. J’ai faim… donc je
me disais qu’on pourrait plutôt aller dîner. Je
connais un restau japonais sympa à quelques rues d’ici.
-
Je te suis.
Quelques minutes plus tard, ils étaient
attablés au fond de la petite salle du restaurant. Le patron,
un ami d’enfance de la mère de Tenshi, leur servit un
apéritif offert par la maison, puis s’éclipsa
discrètement.
- Je ne suis pas du genre à me
plaindre, commença Ilian, mais j’aimerais savoir
pourquoi tu ne m’as pas rappelé.
Tenshi soupira
profondément.
- Je ne te mentirai pas : tu me plais
beaucoup… mais je ne comptais pas te recontacter.
Le regard
azur du blond se voila soudain :
- Alors pourquoi tu m’as
donné ton numéro ?
- J’ai fait ça sans
réfléchir, sur un coup de tête… Sur le
moment, ça semblait être une très bonne idée…
-
Mais si je suis là, c’est que tu as changé d’avis
? demanda Ilian, une note d’espoir dans la voix.
- Oui.
Quand je t’ai vu dans le Dojo tout à l’heure, j’ai
compris que je ne pouvais pas te laisser sortir de ma vie comme ça…
pas une seconde fois… si le destin t’a conduit
jusqu’ici, je n’ai pas le droit de le contrarier…
Le
blond sourit largement. Tenshi se sentit soulagé. Un court
instant, il avait eu peur qu'Ilian lui en veuille mais l'autre homme
semblait juste ravi d'être là, avec lui.
Ils
passèrent le repas à discuter de tout et de rien, de
leurs goûts en matière de musique, de films, de leurs
loisirs et de leurs boulots. Alors qu'ils finissaient de manger,
Ilian demanda soudain :
- Tu es métis, n'est-ce pas
?
Tenshi, un peu surpris d'une question aussi directe sur ses
origines, ne répondit pas immédiatement. Son ami
s'empressa alors d'ajouter :
- Si c'est indiscret, tu...
- Ce
n'est pas indiscret, ne t'en fais pas. Je suis effectivement métis.
Ma mère était japonaise et mon père
afro-américain. Il l'a rencontrée lorsqu'ils étaient
à l'université et ils sont tombés fous amoureux
dès le premier regard...
Une vague de nostalgie le
parcourut, comme à chaque fois qu'il pensait à ses
parents. Il souffla, la gorge nouée :
- Ils me manquent
tellement... Ils sont morts quand j'avais huit ans... dans un
accident de voiture.
- Je suis désolé... Je n'aurais
pas dû remuer de mauvais souvenirs...
- Tu ne pouvais pas
savoir, sourit Tenshi pour rassurer le blond. Et toi, ta famille
?
Ilian fit la moue.
- Mes parents sont archéologues.
Ils passent leur temps à voyager ici et là... Depuis
quelques années, ils se sont établis au Caire où
ils bossent pour la Société d'Egyptologie Américaine.
-
Tu vis seul ici ?
- Non, je vis, malheureusement, avec ma sœur,
Vivian. Elle a quatre ans de plus que moi mais se comporte souvent
comme si elle était une gamine !
Tenshi sourit devant
l'agacement de son interlocuteur. Lui qui était fils unique
avait toujours rêvé d'avoir un frère ou une sœur,
mais ses parents étaient partis avant d'avoir eu l'occasion
d'avoir un second enfant.
- Mais je n'ai pas envie de parler
d'elle ce soir ! Lança soudain Ilian, le tirant de ses
pensées.
Tenshi consulta sa montre, puis souffla :
- Il
se fait tard... et je me lève tôt demain matin.
- Moi
aussi.
Ils se levèrent, réglèrent leurs
repas, puis quittèrent le restaurant. Alors qu'ils revenaient
devant le Dojo, le métis proposa :
- Je te raccompagne en
moto ?
- Avec plaisir.
***
Ilian enfila le casque
que son nouvel ami lui tendait, puis prit place derrière lui.
Il entoura de ses bras la taille fine de Tenshi, frissonnant de se
trouver à nouveau si près de ce corps si tentant. Il ne
leur fallut qu'un quart d'heure pour rejoindre le quartier où
vivait le blond. Alors que le métis garait la moto dans
l'allée, devant la maison dont toutes les lumières
étaient éteintes, Ilian poussa un profond soupir. Il
enleva le casque, descendit de l'engin et se tourna vers Tenshi qui
le fixait de son regard si troublant.
- Je suis ravi de t'avoir
revu...
- Moi aussi.
- Tu vas t'inscrire à mes cours ?
-
Bien sûr !
Tenshi eut un petit sourire qui provoqua un
frisson de désir chez Ilian :
- Si ça te dit, je
peux te donner des cours particulier pour que tu puisses rattraper
ton retard sur les autres élèves...
Le ton de sa
voix était sans équivoque et promettait bien des
plaisirs qui n'avaient rien à voir avec les arts martiaux.
Emoustillé, le blond n'y tint plus. Il se pencha et captura
les lèvres de son compagnon pour un baiser des plus fougueux.
Tenshi l'enlaça, l'attirant tout contre lui. Ilian en voulait
plus, mais le métis le repoussa doucement et souffla :
- Un
peu de patience...
- Pourquoi ? Grogna le blond qui commençait
à se sentir à l'étroit dans son jean.
- Tout
d'abord parce qu'on est observés... répondit le brun en
désignant la maison d'un signe de tête.
Ilian se
retourna et aperçut Vivian qui les espionnait derrière
la fenêtre du salon.
- Mais quelle plaie ! Soupira t'il en
levant les yeux au ciel.
- Et ensuite, reprit Tenshi en caressant
tendrement sa joue, parce que j'ai envie que tout soit parfait...
donc, si tu es toujours décidé pour tes cours
particuliers, viens au Dojo demain à vingt heures. Les cours
seront finis et je serai tout à toi...
Une vague de désir
traversa Ilian qui déposa un nouveau baiser sur les lèvres
de Tenshi et murmura ensuite à son oreille :
- Demain,
vingt heures.
Et il s'éloigna, excité à la
perspective de ce qui allait arriver le lendemain soir. Il se
retourna en entendant la moto partir et la suivit des yeux jusqu'à
ce qu'elle disparaisse au bout de la rue.
Alors qu'il allait
atteindre la porte de la maison, celle-ci s'ouvrit en grand sur
Vivian. Elle le considéra d'un œil goguenard :
-
D'après ce que j'ai vu d'ici, il est plutôt chaud ton
nouveau mec !
- Fous-moi la paix, Viv !
- Allez ! Raconte ! Tu
sais bien que tu peux tout me dire ! Moi je te raconte tout !
-
Justement ! Je me fous totalement de ta vie sexuelle et je garde la
mienne pour moi ! Bonne nuit !
Il monta dans sa chambre et s'y
enferma, râlant encore une fois contre cette sœur si
envahissante. Mais sa colère fut de courte durée car,
dès qu'il fut seul, il repensa à Tenshi, à leurs
baisers et à leur prochaine rencontre, ce qui lui remit du
baume au cœur.
Le taxi s'arrêta devant le Dojo à
vingt heure vingt. Ilian en descendit rapidement, priant pour que
Tenshi ne soit pas déjà parti. Il avait été
submergé de travail toute la journée et venait à
peine de finir sa dernière course, à l'autre bout de la
ville. Du coup, il s'était résigné à
prendre un taxi pour tenter d'être à l'heure à
son rendez-vous... et avait tout de même fini par être en
retard. En voyant qu'il ne parviendrait pas à être à
l'heure, il avait appelé Tenshi pour le prévenir mais
il était tombé sur sa messagerie. Soupirant, il monta
les quatre marches qui menaient à la porte et la poussa. Il
fut soulagé de voir qu'elle n'était pas fermée.
Il entra dans le Dojo et vit immédiatement que la lumière
était allumée dans la salle de cours de Tenshi. Il posa
son sac à dos près du comptoir, puis s'approcha de la
porte ouverte. Là, il se figea, le souffle coupé. Le
métis était debout au milieu du tatami, les yeux clos,
vêtu uniquement de son pantalon de kimono blanc. Des gouttes de
sueurs roulaient lentement sur la peau brune de son torse pour aller
se perdre dans la ceinture du vêtement, tandis qu'il enchaînait
avec agilité des mouvements d'attaque et de défense.
Sur son dos, Ilian pouvait voir un immense tatouage représentant
un dragon rouge dont les ailes déployées s'étendaient
de l'une à l'autre de ses omoplates. Dans le silence, on
n'entendait que le bruit de ses pieds nus frottant sur le tapis et sa
respiration plus rapide qu'à l'ordinaire. Ilian était
subjugué par le charisme et la force qui émanait de
Tenshi. Il sentit soudain un désir intense et impérieux
le submerger. Il dut faire appel à toute sa volonté
pour ne pas bouger et attendre en silence que son compagnon
s'aperçoive de sa présence.
***
Il était
là. Il l'avait senti arriver dès qu'il était
entré dans le Dojo mais avait continué. Lorsqu'il avait
eu le message sur son portable, il s'était dit que ça
serait une bonne manière de tester sa concentration. S'il
parvenait à rester focalisé sur ses enchaînements
alors qu'Ilian le regardait, il savait que rien ne pourrait plus le
surprendre lors de ses prochains affrontements. Il se força à
se vider la tête, à ne pas penser au corps si tentant du
blond qui l'attendait. Cela fonctionna quelques minutes... mais bien
vite, ses envies le rattrapèrent et il dut abandonner. Il
rouvrit les yeux, mit quelques secondes à se réhabituer
à la lumière de la salle, puis se tourna vers Ilian et
sourit :
- Bonsoir.
- Désolé pour le retard...
-
Ne t'en fais pas pour ça...
Ilian s'approchait lentement et
Tenshi sentit le désir enflammer ses sens. Tous les projets
qu'il avait fait pour la soirée s'évaporèrent en
une fraction de seconde lorsque le blond se retrouva enfin entre ses
bras et que leurs lèvres se goûtèrent pour la
première fois depuis la veille. Leurs corps impatients se
soudèrent, leur arrachant à tous deux un gémissement.
Ilian délaissa sa bouche quelques secondes, le temps de
souffler :
- Magnifique tatouage...
Tenshi ne répondit
pas. Il se laissa tomber à genoux, entraînant son
compagnon avec lui jusqu'à ce qu'ils se retrouvent étendus
l'un sur l'autre sur le sol. Fébrile, il arracha presque les
boutons de la chemise d'Ilian, la lui enleva, puis s'attaqua à
ses tétons dressés, les léchant et les
mordillant tour à tour. Le blond ne retenait pas ses
gémissements, ses mains enfouies dans les courts cheveux bruns
de Tenshi. Alors que sa bouche s'occupait toujours des boutons de
chair roses, ses mains étaient déjà parties à
l'assaut du jean qui fut rapidement descendu sur les hanches d'Ilian,
dévoilant son boxer gris qui ne dissimulait rien de son envie
pour l'instant insatisfaite. Le blond se tendit brutalement lorsque
la bouche de Tenshi délaissa ses tétons pour aller se
poser, à travers le tissu, sur son membre dressé. Le
métis glissa ses doigts dans le sous-vêtement et le fit
glisser à son tour le long des jambes fines de son futur
amant. Puis, il revint s'emparer de l'objet de sa convoitise, le
caressant rapidement de bas en haut avant de l'engloutir totalement.
Il serra entre ses lèvres la hampe dressée alors qu'il
remontait jusqu'au bout qu'il titilla un instant de sa langue.
Ilian
l'attrapa soudain par les épaules et le fit remonter à
sa hauteur pour l'embrasser avec passion. Tenshi, sans rompre le
baiser, se souleva un peu pour permettre aux mains de son compagnon
de défaire le lien de son pantalon de kimono. Les doigts
agiles d'Ilian s'insinuèrent alors à l'intérieur,
s'emparant de son excitation douloureuse. Tenshi se redressa afin de
finir de se débarrasser de son vêtement, puis souffla
:
- Tu as ce qu'il faut ?
Pour toute réponse, Ilian
tendit la main vers son jean qui gisait sur le sol près d'eux
et en sortit une petite pochette qu'il tendit à son compagnon.
Pendant que Tenshi enfilait le préservatif, le blond se
retourna sur le ventre, les jambes écartées en une
invitation des plus explicites. Le brun ne se fit pas prier. Il lécha
deux de ses doigts et alla les insérer lentement, l'un après
l'autre, dans l'intimité de son amant. A chacun de ses
mouvements, Ilian gémissait de plus en plus fort. Tenshi
sentait qu'il n'allait pas tenir beaucoup plus longtemps. Il
s'allongea sur son amant, se positionna contre son entrée
étroite, puis le pénétra lentement. Son désir
le poussait à aller plus vite, mais il ne voulait pas risquer
de faire mal à Ilian et se força à se calmer un
peu. Il eut un hoquet de surprise lorsque le blond, d'un mouvement de
hanches, redressa son bassin. Tenshi se retrouva totalement enfoui en
lui. Enserré par l'étroitesse de ce fourreau de chair,
il eut l'impression qu'il allait exploser immédiatement et dut
faire appel à toute la force de sa volonté pour ne pas
se laisser envahir par le plaisir.
La nouvelle position d'Ilian
permit à son amant de s'emparer de son érection
délaissée. Tenshi commença à le caresser
rapidement au même rythme que celui de ses coups de reins,
faisant monter en eux des vagues de plaisir de plus en plus intenses
et incontrôlables. Le métis se pencha en avant, posant
ses lèvres dans la nuque de son compagnon, léchant la
sueur qui coulait sur sa peau si claire, la mordant jusqu'à y
laisser une marque, sa marque.
Soudain, une vague de plaisir d'une
violence incroyable se propagea dans son bas-ventre. Il se tendit
brutalement alors qu'un orgasme puissant le traversait. Sa main serra
instinctivement le membre d'Ilian, précipitant la jouissance
du blond qui déversa sa semence sur le sol en gémissant
le prénom de son amant.
***
Ilian, étendu
sur le ventre, sentait son cœur résonner si fort dans sa
poitrine qu'il avait l'impression qu'il allait exploser. Il croisa
les bras et posa sa tête dessus, les yeux fermés,
tentant de reprendre sa respiration. Il sentit la main de Tenshi
caresser doucement son dos, de haut en bas, puis remonter jusqu'à
sa joue et écarter une mèche de cheveux qui s'y était
collée avec la sueur.
- Ca va ? Demanda la voix de son
amant tout contre son oreille.
Ilian se contenta de sourire,
incapable pour l'instant de parler. Il avait encore du mal à
croire à ce qui venait d'arriver. Bien sûr, ça
n'était pas la première fois... mais cela faisait des
années qu'il n'avait pas laissé un homme prendre le
dessus sur lui... Avec toutes ses autres conquêtes, il avait
toujours voulu garder le contrôle absolu... et rester le «
dominant ». Mais là, il n'avait même pas réfléchi.
Il avait offert son corps à Tenshi, en toute confiance, comme
si c'était la chose la plus naturelle du monde. Et il ne le
regrettait absolument pas.
Il ouvrit enfin les yeux, plongeant
immédiatement dans le regard vert pénétrant de
son amant. Celui-ci le fixait, l'air inquiet.
- J'espère
que tu ne m'en veux pas... murmura Tenshi en détournant les
yeux.
- De quoi ?
- De... d'avoir... de t'avoir...
La
rougeur subite qui envahit les joues du métis était
attendrissante et Ilian ne put s'empêcher de rire :
- Ne
sois pas embarrassé comme ça ! Tout va bien ! Et,
crois-moi, si je n'avais pas voulu ça, je ne t'aurais pas
laissé faire !
Tenshi fixait le plafond, étendu sur
le dos à côté de lui. Ilian tendit la main pour
caresser son ventre musclé.
- C'est dingue... souffla le
métis.
- Quoi ?
- Je n'agis jamais comme ça
d'habitude... Je ne sais pas ce qui m'a pris... C'est...
Il
s'interrompit, puis tourna la tête pour regarder Ilian dans les
yeux en souriant :
- Tu m'as ensorcelé !
- Oh... Tu
crois ?
- Ca ne peut être que ça.
- Alors si je
t'ai ensorcelé... ça veut dire que je peux te faire
faire ce que je veux ? Souffla Ilian.
Une lueur de désir
éclaira les iris verts de Tenshi.
- Tu peux toujours
essayer...
- Embrasse-moi !
Le brun se rapprocha, posa sa main
sur la nuque du blond et l'embrassa avec fougue. Alors qu'Ilian
sentait le désir l'envahir à nouveau, son compagnon
s'écarta brutalement.
- Eh !
Tenshi se leva en soufflant
:
- On a besoin d'une douche.
A peine avait-il fini sa phrase
que le blond était déjà debout, prêt à
le suivre dans les vestiaires.
- Très bonne idée
!
***
La douche dura presque une heure et fut tout sauf
sage. Lorsqu'ils furent enfin, mais temporairement, rassasiés
l'un de l'autre, et qu’ils se furent rhabillés, Tenshi
conduisit son amant dans son bureau.
- Assieds-toi. Je pense que
tu dois avoir aussi faim que moi ?
- Je suis affamé !
Acquiesça Ilian en prenant place sur le sofa.
Tenshi
sourit, puis alla dans la petite cuisine attenante. Il fit réchauffer
au micro-ondes le repas qu'il avait préparé plus tôt
et rejoignit ensuite son compagnon. Celui-ci s'était relevé
et contemplait des photos qui étaient posées sur le
bureau.
- Ce sont tes parents ? Demanda Ilian en désignant
un cliché sur lequel on pouvait voir un couple enlacé
et, à côté d'eux, un homme portant un petit
garçon sur ses épaules.
- Oui. Et lui, c'est Mike,
mon parrain. C'est lui qui m'a élevé après la
mort de mes parents. Et le gamin, c'est moi !
- Je t'avais
reconnu... je reconnaîtrais tes yeux n'importe où...
Tenshi
sourit. Il posa le plateau sur la table basse et s'assit. Ilian le
rejoignit. Ils mangèrent en silence, savourant juste cet
instant de calme. Au bout d'un moment, le blond souffla :
-
Finalement, je ne viendrai pas à tes cours.
Surpris, son
compagnon demanda :
- Pourquoi ?
Ilian sourit, une lueur amusée
dans les yeux.
- Parce que je ne sais pas si je serai capable de
passer une heure près de toi sans te sauter dessus... et je
pense que ça ferait mauvais effet devant tes élèves...
Tenshi
éclata de rire.
- Effectivement ! Mais si tu veux vraiment
apprendre, mon offre de cours particuliers est toujours valable...
enfin... je veux dire pour de vrais cours !
- Je vais y réfléchir,
répondit Ilian.
Il soupira soudain.
- Je n'ai pas envie
de rentrer chez moi... Viv va encore m'interroger sur toi... je ne la
supporte plus !
- Pourquoi tu ne déménages pas ? Tu
es adulte, tu peux faire ce que tu veux de ta vie !
Ilian eut
l'air embarrassé...
- Je ne peux pas. La maison est à
nos deux noms et je n'ai aucune envie de la lui laisser.
Tenshi
eut l'impression étrange que son compagnon ne lui disait pas
la vraie raison de son choix et lui dissimulait quelque chose
d'important. Au bout d'un moment, il se morigéna. Ce n'était
pas parce que lui avait des secrets à cacher que c'était
obligatoirement le cas de tout le monde ! Il souffla :
- Tu peux
rester ici ce soir, si tu veux.
- C'est gentil, mais ça ne
serait pas pratique demain matin pour aller bosser. Il vaut mieux que
je rentre.
- Comme tu veux... mais si jamais un jour tu as besoin,
n'hésites pas !
- Merci.
Ils rangèrent la
vaisselle, puis quittèrent le Dojo. Comme la veille, Tenshi
raccompagna Ilian chez lui, puis repartit en direction de la sortie
de la ville.
Il était plus de minuit lorsqu'il arriva chez
lui mais ne fut pas étonné de trouver Mike en plein
travail dans son atelier.
- Bonsoir !
- A voir ton grand
sourire idiot, je suppose que ta soirée s'est bien passée
?
- Très bien. Je vais me coucher, bonne nuit !
- Bonne
nuit, Tenshi ! Fais de beaux rêves !
- Sans problème...
Il
monta dans sa chambre, retourna prendre une douche, puis enfila un
boxer avant de s'allonger sur son lit. Sur le dos, les mains derrière
la tête, il ferma les yeux en soupirant. Il avait passé
une excellente soirée, bien au-delà de ses attentes,
mais il avait encore des réticences : malgré
l'attirance irrésistible qu'il éprouvait pour Ilian, il
savait qu'il ne pourrait jamais avoir une vie normale... et que, tôt
ou tard, il allait se retrouver à nouveau seul...
Ce samedi, comme chaque soir depuis
presque deux semaines, Ilian se rendit au Dojo pour y retrouver son
amant pour ses cours particuliers de karaté. Et, comme chaque
soir, la leçon se termina par un corps à corps sensuel,
une étreinte où se mêlaient la tendresse et une
certaine violence qui reflétait l’intensité
incroyable de leur attirance réciproque.
Lorsque leurs
corps furent enfin comblés et leur soif de l’autre
temporairement apaisée, ils se blottirent l’un contre
l’autre sur le sofa de la salle de repos. Tenshi était
étendu sur le côté, un bras sous la tête,
sa main libre caressant le torse du blond et souffla, souriant :
-
Tu n’arriveras jamais au niveau de mes autres élèves
si ça continue !
- La faute à qui ? s’exclama
Ilian en riant. Si tu ne me sautais pas dessus à chaque fois,
j’arriverais peut-être à aller jusqu’au bout
de la leçon !
- Désolé… tu es trop
irrésistible…
Ils s’embrassèrent
tendrement, puis Tenshi reprit :
- Que veux-tu qu’on fasse
demain ?
- Rien de particulier.
- C’est ton anniversaire,
j’ai envie qu’on fête ça !
- Pas
moi…
Ilian n’avait pas envie de s’étendre
sur le sujet mais son compagnon ne semblait pas vouloir le laisser
tranquille.
- Que s’est-il passé ?
- Je ne veux
pas en parler… Il y a certains mauvais souvenirs qu’il
vaut mieux garder au fond de soi…
Il ferma les yeux,
luttant pour contenir ses larmes. Il aurait tant aimé pouvoir
se confier à quelqu’un ! Pouvoir enfin partager son
fardeau avec une autre personne que Vivian, qui, avec son cœur
de pierre, n’avait jamais compris pourquoi il était
perturbé par ce qui s’était passé le jour
de sa majorité, deux ans plus tôt…
Il sentit
les lèvres de Tenshi se poser tendrement sur les siennes, puis
son corps s’étendre sur lui, comme pour lui offrir le
réconfort de sa chaleur. Le métis souffla à son
oreille :
- Je ne sais pas quels sont ces mauvais souvenirs et je
ne peux pas te promettre que je serais un jour en mesure de te les
faire oublier… mais je te jure que ceux que tu te feras
demain, avec moi, sauront prendre une place immense dans ton
cœur.
Emu, Ilian enfouit son visage dans le cou de son amant
et souffla :
- Merci…
Ilian finissait de lacer ses
chaussures lorsqu’il entendit le moteur de la moto de Tenshi
approcher. Il jeta un bref coup d’œil à
l’escalier, priant de toutes ses forces pour que Vivian ne se
montre pas, puis attrapa son sac à dos et se rua dehors. Son
compagnon l’attendait sur son engin, arrêté dans
l’allée, prêt à repartir. Alors que le
blond grimpait derrière son amant, il vit le rideau de la
chambre de sa sœur s’entrouvrir et le visage de Vivian,
souriant, apparaître derrière la vitre. Elle lui fit un
petit signe de la main auquel il ne répondit pas, s’accrochant
à la taille de Tenshi alors que la moto démarrait et
quittait l’allée.
Ils roulèrent une heure en
direction de l’ouest, jusqu’à la ville voisine.
Ilian y était rarement allé et se demandait où
l’emmenait son compagnon. Tenshi fit passer la moto dans une
ruelle étroite qui menait à un véritable trésor
caché : des bains japonais traditionnels. Lorsqu’ils
descendirent de leur véhicule, Ilian sourit :
- Je ne
savais pas qu’il y en avait ici !
- Normal. Ils sont
réservés aux membres de la communauté nippone et
très rares dans ce pays. Grâce à ma mère,
et surtout à mon grand-père, qui était un
gen'rou, un ancien sage de la communauté, j’ai un accès
permanent aux lieux… et je peux y emmener qui je veux. C'est
un onsen qui a été bâti sur une vraie source
chaude qui passe sous la ville.
Ilian contemplait le bâtiment.
S’il faisait abstraction du bruit de la rue qui provenait de
derrière lui, il aurait pu se croire vraiment au Japon. Son
compagnon posa sa main sur son bras, le tirant de sa contemplation
ébahie et l’entraîna à l’intérieur.
Le blond fut surpris de ne voir personne.
- Où sont les
gens ?
Tenshi l’enlaça, l’embrassa tendrement,
puis souffla :
- Je l’ai réservé pour nous
deux pour la journée… personne ne viendra nous
déranger… Joyeux Anniversaire, mon Ilian…
***
Tenshi,
ravi par le sourire enthousiaste de son compagnon, lui prit la main
et l’entraîna dans les vestiaires. Il attrapa deux
serviettes blanches et en tendit une à Ilian en expliquant :
-
Il faut d’abord nous laver avant d’aller dans le bain.
Le
blond eut une moue perplexe :
- C’est bizarre ton truc !
Le
métis rit :
- Oui, je sais ! Mais en fait, dans un onsen,
on ne se baigne pas pour être propre mais pour se détendre.
C’est un peu comme une piscine, sauf qu’on y va sans
maillot !
- Donc, souffla Ilian en se collant contre lui, on va
d’abord prendre une douche…
- Non, pas vraiment,
répondit Tenshi, sentant le désir monter en lui.
Déshabille-toi et suis-moi !
Sans prêter plus
d’attention à son compagnon, le métis ôta
ses vêtements, puis ceignit la serviette autour de sa taille.
Il attendit qu’Ilian ait fait de même, souriant en voyant
qu’il était dans le même état d’excitation
naissante que lui. Lorsque le blond fut prêt, son ami lui
reprit la main et le conduisit dans une salle adjacente. Il le fit
s'installer sur l'un des petits tabourets, disposé dans une
sorte de baignoire basse, puis alla chercher un baquet d'eau chaude,
un savon et une éponge naturelle. Lorsqu'il revint, Ilian
l'interrogea :
- Si j'ai bien compris, en temps normal, il y a
plein de monde ici ?
- Oui, répondit simplement Tenshi.
Il
fit glisser lentement le savon sur la peau claire du torse de son
compagnon, essayant d'oublier le désir qui enflait dans son
ventre. Lorsqu'il eut terminé avec le haut du corps, ses
doigts dénouèrent la serviette et il souffla :
-
Lève-toi, s'il te plait.
Ilian obéit sans un mot.
Tenshi lui savonna les fesses, descendit sur l'arrière de ses
jambes, puis remonta par l'avant, ignorant sciemment le membre à
présent totalement érigé du blond. Celui-ci
gémissait et sa respiration se faisait plus rapide. Le métis
enduisit consciencieusement ses doigts de savon, puis les passa
lentement sur le sexe dressé de son amant. Ilian frémissait
à chaque contact, mais son compagnon n'avait aucune intention
d'aller jusqu'au bout... du moins, pas pour le moment. Lorsqu'il eut
fini d'enduire de savon la peau du blond, Tenshi plongea l'éponge
dans le baquet et rinça rapidement son amant. Il termina son
opération en lui versant directement le contenu du récipient
sur la tête. Ilian secoua la tête, chassant les mèches
blondes qui s'étaient collées à son visage et
sourit :
- A ton tour !
Tenshi hocha la tête et ôta
sa serviette. Alors que son compagnon le savonnait, il comprit à
quelle torture il l'avait soumis quelques instants plus tôt.
C'était à la fois délicieux et horrible de
sentir les mains de l'autre homme sur sa peau, la parcourant sans
relâche, traçant avec le savon les contours de son
tatouage. Il frémit violemment lorsque les doigts savonneux
d'Ilian se glissèrent entre ses fesses.
- Frustrant,
n'est-ce pas ? Souffla le blond à son oreille.
- Très...
mais tu vas voir, ça en vaut la peine...
- Je l'espère
!
Ilian termina son office, déversant à son tour le
contenu d'un baquet d'eau chaude sur son amant, puis demanda :
-
Et maintenant ?
Tenshi remit sa serviette, imité par son
compagnon, puis l'entraîna vers la cour intérieure où
se trouvait la petite piscine remplie par la source naturelle. Le
bassin avait été créé par l'homme, mais
imitait la texture des cuvettes naturelles qu'on pouvait trouver un
peu partout au Japon. Il faisait un peu frais et Ilian
frissonna.
Tenshi entra lentement dans l'eau brûlante et se
tourna vers lui, l'air soudain inquiet :
- J'espère que tu
vas apprécier... et que tu ne crains pas la chaleur. C'est à
presque 40 degrés...
- Ne t'en fais pas pour moi, sourit le
blond.
Il plongea un orteil dans le liquide fumant, grimaça
mais continua à s'immerger. Voyant que son compagnon semblait
vouloir le suivre, Tenshi s'installa confortablement contre le bord
du bassin. Ilian le rejoignit, s'asseyant juste à côté
de lui.
- Ca va ?
- Très bien, sourit le blond. C'est
vraiment agréable.
- Je suis content que ça te
plaise...
Il se pencha pour embrasser tendrement son
compagnon.
***
Ilian laissa ses mains glisser sur le
torse de Tenshi. L'action conjuguée du désir et de la
chaleur de l'eau lui tournait un peu la tête, mais il s'en
fichait. Il ne voulait de toutes façons penser à rien
d'autre qu'à la présence du métis près de
lui et à cette superbe journée qui s'annonçait.
Alors
que leurs bouches se dévoraient, Tenshi se redressa et vint
s'installer à califourchon sur les cuisses de son compagnon.
Leurs envies de rencontrèrent, provoquant une décharge
de plaisir dans l'échine d'Ilian. Au bout d'un moment, le
métis se détacha de son compagnon, une moue boudeuse
sur le visage.
- On ne peut pas faire ça ici... dans le
bassin, je veux dire... ajouta t'il en voyant Ilian froncer les
sourcils.
- Tu as raison, soupira le blond. Mais j'ai envie de
toi... vraiment très envie...
- Alors, viens ! Sourit
Tenshi en se levant.
Ilian le contempla un instant, détaillant
ce corps magnifique qu'il avait la chance de pouvoir caresser et
embrasser. Il avait encore du mal à croire que ça ne
faisait que quelques jours qu'ils se connaissaient. Pour lui, c'était
comme s'ils avaient toujours été ensemble.
- Tu te
décides ? Lança le métis, le tirant de ses
pensées.
- J'arrive !
Ilian se leva à son tour.
Alors qu'il prenait la main que lui tendait son compagnon, il sentit
soudain un vertige l’envahir et un frisson glacé
parcourut tout son corps. Il eut à peine le temps de remarquer
le regard inquiet de Tenshi qu'il s'effondra dans ses bras, à
demi-conscient. Il sentit que son compagnon le soulevait et le
portait dans à l’intérieur. Les yeux mi-clos, il
tentait vainement de reprendre ses esprits mais tout était
comme embrumé autour de lui. Au bout d'un moment, ses idées
parurent enfin s'éclaircir et il réussit à
ouvrir complètement les yeux. Tenshi le fixait, une lueur
d'angoisse assombrissant ses iris verts clairs. Il l'avait installé
sur un tapis, à même le sol, et était à
genoux à côté de lui, vêtu d’une
sorte de kimono blanc, rendu quasi-transparent par l'humidité.
-
Ilian, ça va ?
- Qu'est-ce qui s'est passé ?
- Ca
arrive souvent aux personnes qui n'ont pas l'habitude des bains
brûlants. Quand tu t'es levé, la différence de
température entre l'eau et celle de l'air t'ont étourdi.
Tu te sens mieux ?
- Oui, ça peut aller...
Ilian tenta
de s'asseoir, mais son compagnon l'obligea à rester allongé.
-
Ferme les yeux et détends-toi.
Le blond obéit. Il
entendit son amant s'éloigner, puis revenir et poser quelque
chose sur le sol près de lui. A peine une seconde plus tard,
il sentit les mains de Tenshi, sûrement enduites d'une huile de
massage, se poser sur son mollet, puis remonter lentement le long de
sa jambe. Les gestes du métis étaient doux et précis.
Ilian se laissa envahir par une douce torpeur, complètement
détendu... du moins jusqu'à ce que les doigts de son
amant atteignent le haut de l'intérieur de sa cuisse et
frôlent son membre à nouveau au repos. Une décharge
de désir traversa ses reins alors que Tenshi continuait son
massage en montant sur ses hanches, puis son ventre, évitant
soigneusement son érection qui commençait à se
réveiller. Ilian réussit à résister un
très long moment, gardant les yeux clos et restant immobile.
Mais, lorsque les doigts de son compagnon atteignirent son visage, il
ne put tenir plus longtemps. Il ouvrit les paupières, posant
son regard azur sur le métis, puis se redressa vivement et
captura les lèvres de son amant. Celui-ci ouvrit immédiatement
la bouche, laissant entrer la langue mutine du blond.
Son malaise
était à présent loin derrière lui et
Ilian se sentait en pleine forme. Il glissa sa main dans l'échancrure
du kimono, caressant le torse de son compagnon qui gémit
lorsqu'il s'attaqua à un téton durci. Lorsque le baiser
se rompit, Tenshi plongea son regard émeraude dans les yeux de
son amant et souffla :
- Fais-moi l'amour...
Sincèrement
surpris, Ilian demanda :
- Tu es sûr ? Je veux dire...
Le
métis sourit largement :
- C'est ton anniversaire... tu
peux donc faire de moi tout ce que tu veux... je t'appartiens...
corps et âme...
A ces mots, le blond sentit une bouffée
d'amour le traverser. Emu, il souffla :
- Tu as ce qu'il faut ?
-
Bien sûr, sourit Tenshi.
Il se leva, disparut par une porte
entrouverte, puis revint aussitôt avec son sac à dos
duquel il sortit une boîte de préservatifs. Ilian ne put
s'empêcher de rire :
- Tu crois qu'on en aura assez ?
Le
métis eut une moue qui se voulait innocente.
- Je ne sais
pas...
Il jeta le sac dans un coin de la petite pièce, puis
revint s'agenouiller à côté du blond pour
l'embrasser à nouveau.
La fièvre du désir
s'empara de leurs corps. Leurs bouches se dévoraient tandis
que leurs mains redécouvraient la moindre courbe,
redessinaient le moindre muscle. Leurs jambes étaient mêlées,
permettant ainsi à leurs corps de se souder, ne laissant aucun
souffle d'air entre leurs peaux moites. Ils n'avaient pas besoin de
mots, chacun savait instinctivement ce que l'autre voulait. Tenshi
déroula le préservatif sur le membre tendu d'Ilian
pendant que celui-ci insinuait lentement un doigt dans son intimité,
puis un second. Une fois certain que son amant était
suffisamment préparé, et surtout, lorsque son envie
devint trop douloureuse pour attendre plus, il le pénétra
avec délicatesse, attentif au moindre gémissement, à
la moindre expression de douleur qui pourrait assombrir le visage
d'ange de Tenshi. Il s'enfonça entièrement en lui, puis
se retira et le pénétra à nouveau, un peu plus
vite et un peu plus loin.
Tenshi noua ses jambes autour de la
taille d'Ilian qui eut envie de varier un peu les plaisirs. Le blond
se redressa, entraînant son amant avec lui, jusqu'à ce
qu'ils se retrouvent tous deux assis, le métis toujours empalé
sur le membre gonflé de son compagnon. Tenshi rejeta sa tête
en arrière et Ilian en profita pour lécher les
gouttelettes de sueur dans son cou offert. Le métis ondulait
lentement du bassin, d'avant en arrière, de gauche à
droite, faisant enfler les vagues du plaisir qui montaient peu à
peu en eux. Leurs lèvres se retrouvèrent ; leurs
souffles se mêlèrent. Ilian glissa sa main entre leurs
corps, s'emparant du membre délaissé de son compagnon
et commença à le masser rapidement. Leurs gémissements
se perdaient dans leur baiser sans fin. Soudain, un orgasme violent
emporta le brun qui déversa sa semence sur leurs ventres et
leurs torses et sur la main d'Ilian. Celui-ci, enserré par les
contractions du fourreau de chair, ne tarda pas à suivre son
compagnon au sommet de l'extase.
***
Essoufflés
et épuisés, les deux hommes retombèrent un peu
lourdement sur le sol. Tenshi ôta le préservatif du
membre de son compagnon, puis se blottit contre lui, la tête
sur son torse. Il entendait les battements de coeur affolés
d'Ilian et sourit.
- Joyeux Anniversaire... souffla t'il.
-
Merci... C'est le meilleur anniversaire que j'aie jamais eu.
Tenshi
changea de position afin de pouvoir voir le visage de son amant.
Celui-ci avait les yeux mi-clos, la peau claire de ses joues était
rougie par le plaisir, de même que ses lèvres, gonflées
par leurs baisers fougueux. Peu à peu, leurs corps
retrouvèrent leur calme. Le métis s'assit, puis demanda
:
- Tu as faim ?
- Je suis affamé, répondit Ilian
en souriant. Mais j'aimerais bien rester encore un peu comme ça...
-
Si tu veux...
Tenshi se réinstalla et ferma les yeux. Et,
bercé par les battements de coeur à présent
paisibles de son compagnon, il glissa lentement dans le sommeil.
Ce
fut un gargouillis très sonore qui réveilla le métis.
Un peu perdu, il se redressa et croisa le regard contrit de son amant
:
- Je crois que j'ai sous-estimé ma faim !
Tenshi
éclata de rire. Il se leva, ramassa son yukata, l'enfila, puis
alla chercher celui d'Ilian qu'il avait laissé sur une chaise
dans un coin de la pièce.
- Enfile ça, on va aller
manger.
Le blond obéit, puis suivit son compagnon dans une
pièce attenante qui se trouvait être une cuisine.
-
Installe-toi !
Ilian s'assit tandis que Tenshi servait le repas
froid qu'il avait préparé le matin même, avant
d'aller chercher son amant chez lui.
- J'espère que tu vas
aimer... c'est une spécialité de mon grand-père...
Le
blond mangea avec appétit et enthousiasme, ce qui ravit son
compagnon.
- C'était délicieux ! Sourit Ilian
lorsqu'il eut terminé.
- Je suis vraiment content que ça
te plaise...
- Tout ce qui vient de toi me plait...
- Vraiment
?
Tenshi se pencha par-dessus la table pour l'embrasser. Le désir
s'empara à nouveau de leurs corps insatiables. Ils quittèrent
la cuisine, retournant dans la petite pièce qui était
devenu, pour la journée, leur nid d'amour.
Tenshi était
vraiment ravi. Tout s'était déroulé exactement
comme il l'escomptait, le malaise d'Ilian mis à part. Ils
avaient passé l'après-midi à satisfaire leurs
envies charnelles, seuls au monde, loin de tous leurs tourments et
tracas. Et puis, le soir venu, le métis avait raccompagné
son amant, lui donnant rendez-vous au Dojo le lendemain soir pour
leur « cours » habituel.
Tenshi rangea sa moto au
garage avant d'entrer dans la maison. Il vit que la lumière de
la cuisine était allumée et s'y dirigea. Mike était
là, une pizza entamée sur la table à côté
de son ordinateur portable. Il leva les yeux de son écran en
entendant son filleul arriver.
- Bonsoir !
- Salut ! Je
t'attendais !
Surpris, Tenshi demanda :
- Qu'est-ce qui se
passe ?
Mike lui lança un journal. Le métis l'ouvrit
et lut à la une :
« Cinq des plus beaux diamants
du monde seront exposés demain au public. »
Il
parcourut l'article rapidement, puis soupira :
- Tu crois qu'elle
va tenter de s'en emparer ?
- Connaissant la Funambule, le
contraire serait étonnant.
- Quand ?
- L'expo repart
pour New-York après-demain. Elle n'a pas le choix, c'est
demain soir ou jamais.
- Alors on y sera ! Sourit Tenshi. Et cette
fois-ci, on n'oubliera pas le Voltigeur ! Je n'ai pas l'intention de
le laisser m'avoir encore une fois ! Je vais enfin pouvoir prendre ma
revanche sur lui !
Ilian enfila sa combinaison, puis
rejoignit Vivian dans le salon. La jeune femme était au
téléphone depuis près d'une heure, bavassant
avec l'une de ses amies. Son frère, excédé, lui
prit soudain l'appareil des mains et lança dans le combiné
:
- Elle te rappelle demain !
Et il raccrocha.
- Eh !
S'exclama Vivian. De quel droit...
- Je n'ai déjà
pas envie de le faire ce boulot ce soir, mais si, en plus, tu ne le
prends pas au sérieux, je laisse tomber !
- Allez, p'tit
frère... fais pas ta tête de mule... on va bien s'amuser
!
- Tu sais que le Samouraï et Eagleman seront là ?
Ils vont bien se douter que tu vas vouloir voler ces diamants !
-
Que « nous » allons vouloir les voler... sourit la jeune
femme en passant un doigt sur la joue de son cadet.
Ilian recula.
Plus le temps passait et moins il avait envie de continuer ce jeu
dangereux. Il n'avait pas besoin de voler pour vivre... mais il ne
pouvait pas laisser tomber sa sœur. Même si elle était
parfois – souvent – exaspérante, elle s'était
toujours occupée de lui quand leurs parents les avaient
laissés pour aller faire des fouilles à l'étranger.
Et puis, il devait bien se l'avouer, la décharge d'adrénaline
que lui procurait le risque lié à chaque vol était
comme une drogue dont il ne pouvait plus se passer.
- Bon, tu es
prête ?
- Bien sûr !
Il enfila sa cagoule noire,
puis suivit Vivian jusqu'au garage.
Perché sur le toit
du musée, des jumelles à vision nocturne à la
main, Ilian observait les alentours. Cela faisait maintenant presque
trois minutes que sa sœur était descendue dans le
conduit d'aération. Il ne lui en restait que deux avant que
l'alarme ne se déclenche. Ilian était tendu. Il n'avait
pas encore vu ses ennemis, mais il savait que les deux hommes
allaient tout faire pour les empêcher de partir avec les
diamants. La sirène d'une ambulance qui passait dans une rue
non loin le détourna un court instant de son objectif.
Distrait, il vit trop tard la forme noire qui lui fonçait
dessus.
Les deux hommes roulèrent sur le toit, jusqu'au
rebord qui les stoppa brusquement. Le Samouraï leva le bras pour
le frapper, mais Ilian – le Voltigeur – fut plus rapide.
Il esquiva, donna un coup de pied dans les côtes de son
adversaire et le repoussa. Il faisait très sombre et les deux
hommes se battaient surtout à l'instinct, frappant et
esquivant habilement. A un moment, ils se retrouvèrent à
nouveau en corps à corps rapproché. Ilian entendait les
voitures de police encercler le bâtiment et comprit qu'il
devait fuir au plus vite, ce qui se confirma lorsqu'un hélicoptère
se positionna au-dessus d'eux. Une lumière vive éclaira
le toit, aveuglant momentanément les deux combattants. Ilian
reprit ses esprits plus rapidement que son adversaire. Il leva les
yeux vers l'autre homme et sentit son cœur manquer un
battement. Il aurait pu reconnaître ce regard vert si intense
n'importe où. Ce regard qui, d'habitude, se posait sur lui
comme une caresse, le fixait pour le moment avec colère.
Vivian
passa soudain à côté de lui en hurlant et lui
prit le bras, l'entraînant avec elle. L'esprit encore
embrouillé, Ilian la suivit, guidé par son instinct de
survie. Il n'aurait pas pu dire comment ils s'en étaient
sortis, mais toujours est-il qu'ils parvinrent à rentrer chez
eux sans se faire prendre par les autorités. Ilian marcha
comme un automate jusqu'à sa chambre et s'y enferma, claquant
la porte au nez de sa sœur, anéanti. Il ôta sa
cagoule qu'il jeta sur le sol, puis se laissa tomber sur le lit, la
tête dans les mains. Lorsqu'il ferma les yeux, il revit le
regard si familier qui l'avait fixé sur ce toit, quelques
minutes plus tôt.
- Non... c'est pas possible !
Le
désespoir lui déchirait le cœur. Cet homme, à
qui il avait offert son corps et son âme, dont il était
tombé désespérément amoureux... cet homme
était en fait son pire ennemi ! Des larmes de rage se mirent à
couler sur ses joues.
- Pourquoi lui ?
Furieux et déçu,
il se releva, attrapa la première chose qui lui passa sous la
main, sa lampe de chevet, et l'envoya se fracasser contre le mur en
face. Il n'en pouvait plus. Il avait l'impression que sa tête
et son corps allaient exploser. Il ne pouvait plus rester dans cette
pièce, ni dans cette maison. Il enfila un survêtement
par-dessus sa combinaison, puis quitta les lieux. Il courut des
heures, sans but, puis lorsque son corps rendit les armes, il se
décida à rentrer. Il était toujours aussi
désespéré mais la fatigue prit le dessus et,
quand il s'allongea sur son lit, il s'endormit presque
instantanément.
***
Tenshi raccrocha en
soupirant, puis s’assit devant le dîner que Mike avait
préparé. Il n’avait pas faim et passa tout le
repas à triturer un morceau d’omelette dans son
assiette. Au bout d’un moment son parrain demanda :
- Est-ce
que tu vas te décider à me dire ce qui t’arrive
ou je vais devoir essayer de deviner tout seul ?
Le jeune homme
commença par nier :
- Il ne m’arrive rien !
-
Depuis lundi, tu es maussade, tu ne manges quasiment rien et tu ne
dis pas un mot. Donc ne me prends pas pour un idiot, je sais très
bien que tu as un problème !
Tenshi soupira profondément.
-
C’est Ilian…
- Je m’en doutais un peu. Continue
!
- Mardi soir, il n’est pas venu au Dojo comme prévu.
Je l’ai appelé plusieurs fois, je lui ai laissé
des tonnes de messages mais il ne répond et ne rappelle pas.
-
Vous vous êtes disputés ?
- Non ! Je ne comprends pas
ce qui se passe ! Dimanche, on a passé une journée
géniale ! Lundi soir, tout allait bien, même si j’ai
du écourter notre rendez-vous pour empêcher ce vol de
diamants. Et depuis mardi, plus rien.
- Tu as essayé
d’aller chez lui ?
- Oui. Il n’y avait personne. J’ai
failli mettre un mot dans sa boîte aux lettres, mais il m’a
dit que sa sœur est une vraie fouineuse et je ne voulais pas
qu’elle risque de le lire. J’ai même laissé
un message pour lui à son travail, mais eux non plus ne l’ont
pas vu depuis lundi soir. Je ne sais plus quoi faire…
-
Est-ce que… commença Mike.
Il s’arrêta
et Tenshi leva les yeux vers lui :
- Quoi ?
- Tu as appelé
les hôpitaux et la morgue ? Juste au cas où ?
- Oui,
répondit le métis en soupirant à nouveau. Et ils
n’ont eu personne correspondant à son signalement. J’en
suis soulagé, mais bon… c’est comme s’il
s’était volatilisé depuis trois jours !
Il
sentit les larmes inonder ses yeux et les essuya d’un revers de
la manche. Mike se leva et s’approcha, venant s’asseoir à
côté de lui. Il prit le menton de Tenshi dans sa main,
l’obligeant à le regarder en face :
- Tu l’aimes
donc tant que ça ?
- Oui… souffla le métis.
Jusqu’à
présent, il n’avait pas réalisé à
quel point il tenait à Ilian. Il avait fallu que son compagnon
disparaisse de la circulation pour que le métis comprenne
qu’il était irrémédiablement amoureux de
lui… et qu’il n’envisageait plus sa vie sans lui.
Mike posa une main sur son épaule :
- Je suis sûr
qu’il va réapparaître. Il a peut-être eu un
imprévu familial et n’a pas eu le temps de te
prévenir.
- J’espère que ça n’est
que ça… et que tu dis vrai. Je ne supporterai pas de le
perdre lui aussi.
***
Ilian était étendu
sur son lit, les mains sous la tête, fixant le plafond, des
pensées noires tournant sans fin dans son esprit. Il ne bougea
pas lorsque la porte de la chambre s’ouvrit sur Vivian. La
jeune femme se planta dans l’encadrement de la porte, les mains
sur les hanches.
- Bon, tu as bientôt fini de faire le mort
? J’en ai marre de te voir glandouiller ici à longueur
de journée ! Et puis j’en ai marre aussi d’avoir
des tonnes de messages de ton mec sur le répondeur ! Pourquoi
tu lui parles pas ? Tu sais, si tu veux le larguer, tu pourrais au
moins le lui dire !
- Fous-moi la paix, Viv !
- Non ! Tu me
traites tout le temps de gamine capricieuse, mais tu ne vaux pas
mieux que moi !
- Tu ne peux pas comprendre…
- Non,
effectivement, puisque tu ne me dis rien ! Dis-moi ce qui se passe
!
Ilian hésita.
- Bon, si tu ne veux pas me parler, ok !
Mais si ton mec appelle encore ou revient, je lui dis que tu es là
et tu te démerderas avec lui !
Il s’assit
brusquement, lançant sans le vouloir :
- C’est le
Samouraï !
Vivian, qui allait quitter la chambre, fit
volte-face et le dévisagea, ébahie :
- Quoi ?
Ilian
soupira profondément. Il ne voulait pas lui dire… mais
maintenant, c’était trop tard. Alors il expliqua :
-
Tenshi est le Samouraï ! L’homme que j’aime est mon
pire ennemi ! Ca te va comme raison pour l’éviter ?
-
Pourquoi tu ne me l’as pas dit plus tôt ?
Il haussa
les épaules et s’allongea à nouveau, comme si le
fait d’avoir enfin formulé ce qui le tourmentait l’avait
épuisé. Vivian vint s’asseoir à côté
de lui et souffla en souriant :
- Notre coup de demain soir va te
changer les idées, j’en suis sûre !
Surpris, le
jeune homme se redressa sur un coude et dévisagea sa sœur
:
- De quoi tu parles ?
- De la bijouterie Cartier qui reçoit
sa nouvelle collection demain. Tu sais, on a prévu ce casse
depuis des semaines !
- Je ne m’en souvenais plus… je
n’ai pas envie d’y aller…
- Ily ! Tu m’avais
promis !
- Ne m’appelle pas…
- Oui, je sais,
désolée. Allez… s’il te plait…
-
Je suis fatigué, Viv… j’ai envie d’arrêter
tout ça…
- Arrêter ? Tu veux abandonner ?
-
Oui. Ca fait longtemps que j’en ai envie et je crois que c’est
le bon moment pour raccrocher.
La jeune femme soupira, puis
répondit :
- Ecoute, si tu viens avec moi demain soir, je
te promets que ça sera la dernière fois que je te
demanderai de m’accompagner.
Soupçonneux, Ilian
demanda :
- Tu es sincère ?
- Bien sûr ! Je ne
veux pas t’obliger à faire ça contre ta volonté
!
Il réfléchit un instant, puis souffla :
- Ok.
Je viendrai avec toi demain soir… et ensuite, j’arrête
!
Vivian se releva en souriant :
- Bon, je te laisse déprimer
en paix, j’ai des courses à faire !
Ilian suivit sa sœur en direction
de la bijouterie Cartier. Il était sur le qui-vive, inquiet à
l'idée de se retrouver face au Samouraï. Il ne savait pas
du tout quelle serait sa réaction s'il devait à nouveau
se battre contre lui. Lorsqu'ils arrivèrent près du
bâtiment, il se faufila pour aller neutraliser l'alarme puis
revint près de Vivian.
- C'est bon, tu peux y aller.
Elle
ne répondit pas et entra dans la bijouterie. A peine cinq
minutes plus tard, elle ressortait, son sac à dos plein. Alors
qu'ils se dirigeaient vers leur voiture, ils se trouvèrent
tout à coup arrêté par une silhouette familière
qui se dressa face à eux : le Samouraï. Ilian fit
instinctivement volte-face et découvrit qu'Eagleman se tenait
derrière eux. Alors qu'il cherchait un moyen de se sortir de
là, il vit avec stupéfaction Vivian sortir une arme
d'une poche secrète de sa combinaison et la pointer sur le
Samouraï. Au moment où elle appuya sur la détente,
Ilian bondit sans réfléchir sur Tenshi, le plaquant au
sol, hors de la trajectoire de la balle. La douleur qui explosa
soudain dans son dos fut si intense qu'il se sentit perdre
connaissance. Juste avant de sombrer dans les ténèbres,
il souffla :
- Tenshi...
***
Le métis n'avait
pas compris ce qui s'était passé. Il avait à
peine eut le temps de voir l'éclat du canon d'un revolver,
pointé par la Funambule, qu'il s'était retrouvé
au sol, poussé par le Voltigeur. Celui-ci, blessé par
sa propre complice, était étendu sur lui et murmura
avant de perdre conscience :
- Tenshi...
Le cœur du jeune
homme bondit dans sa poitrine alors qu'il reconnaissait la voix si
familière qui venait de souffler son prénom. Il aperçu
Mike qui tentait d'attraper la Funambule, mais celle-ci était
trop rapide pour lui et réussit à s'enfuir, abandonnant
son complice derrière elle. Tenshi se redressa, le Voltigeur
gisant dans ses bras, sa blessure saignant abondamment. Il le souleva
avec mille précautions et se dirigea vers l'immeuble sur le
toit duquel ils avaient laissé leur hélicoptère.
Mike le rejoignit, l'arrêtant :
- Qu'est-ce que tu fais ?
-
Je l'emmène chez nous. Il est blessé, il a besoin de
soin.
- Les flics seront là d'une minute à l'autre.
Ils s'occuperont de lui.
- Je ne peux pas le laisser, Mike.
-
Pourquoi ?
Tenshi sentit sa gorge se serrer lorsqu'il répondit
:
- Parce que c'est mon Ilian...
Une fois dans
l'hélicoptère, Mike décolla en direction du
nord.
- Qu'est-ce que tu fais ?
- Il faut l'emmener voir Tsuki
!
- Non !
- On n'a pas le choix, Tenshi ! Ton ami est trop
gravement blessé pour que je puisse le soigner moi-même.
Il a besoin d'un médecin ! C'est ça ou on le livre aux
autorités...
- Ok, soupira le jeune homme.
L'appareil
furtif se posa quelques minutes plus tard sur le toit d'un
dispensaire du quartier asiatique. Tenshi en descendit, portant
Ilian, toujours inconscient, dans ses bras. Mike lui ouvrit la porte
et partit devant à la recherche de la doctoresse. Au moment où
le métis installait son compagnon sur une table d'examen, la
porte de la salle s'ouvrit sur une femme d'une quarantaine d'années,
brune, d'origine japonaise, qui les considéra un instant en
silence avant de se précipiter sur son patient.
- Senseï...
vous devez le sauver... gémit Tenshi alors qu'elle l'écartait
un peu brutalement de la table.
- Je vais faire mon possible !
Dehors !
- Mais...
- J'ai dis dehors ! Je veux pouvoir
travailler en paix. Mike va m'aider.
Il ouvrit la bouche pour
protester, mais le médecin lui adressa un regard noir qui le
fit reculer en silence. Il jeta un dernier coup d'œil à
Ilian, puis sortit de la pièce.
Tenshi tournait en rond
dans la salle d'attente du dispensaire. L'angoisse lui comprimait
tellement la poitrine qu'il avait du mal à respirer. Il
n'avait jamais eu aussi peur de toute sa vie. Malgré la
découverte qu'il venait de faire, qu'Ilian et le Voltigeur
étaient une seule et même personne, il ne pouvait
s'empêcher de l'aimer de tout son être. Et il savait
qu'il ne s'en remettrait pas si son amant mourrait. Au bout d'un
moment qui lui parut avoir duré une éternité,
Tsuki et Mike le rejoignirent.
- Comment va t'il ?
La femme
sourit.
- La balle n'a endommagé aucun organe vital. Elle a
cassé une côte mais est ressortie sans faire plus de
dégâts. Ton ami s'en sortira.
Soulagé, Tenshi
se jeta sur elle pour la serrer dans ses bras. Puis, il s'écarta,
confus.
- Désolé, Senseï...
- Ce n'est
rien.
- Il s'est réveillé ?
- Pas encore. J'ai dû
lui donner des sédatifs pour pouvoir le soigner. Tu peux aller
le voir si tu veux.
- Merci ! Merci infiniment !
Il se rua dans
la salle, tentant d'ignorer les taches de sang qui maculaient la
table d'examen et le sol, puis s'approcha d'Ilian. Il prit une
chaise, s'assit et serra la main de son compagnon dans les siennes.
Il déposa un baiser sur les doigts blancs de son amant et se
pencha pour lui souffler à l'oreille :
- Tu vas t'en
sortir, mon Ilian... mon amour...
***
Il se sentait
bien. Il flottait dans un univers cotonneux où rien n'existait
à part Tenshi et lui. Nus, enlacés, leurs bouches et
leurs corps soudés, ils dérivaient sans se soucier de
rien, sauf de leur bien-être et de leur plaisir.
Soudain,
une douleur sourde lui traversa le torse, le ramenant brutalement à
la réalité. Il entendait la voix de Tenshi murmurer des
mots d’amour à son oreille. Il sentait les mains
tremblantes de son compagnon qui enserraient les siennes, leurs
doigts entremêlés. Il hésitait à ouvrir
les yeux : il avait peur de ce qui allait se passer maintenant. Alors
qu’il rassemblait son courage, il entendit une voix féminine
inconnue près de lui et décida d’attendre pour
faire savoir qu’il avait repris conscience.
- Vous pouvez
prendre un brancard pour l’emmener. Je vous ai préparé
les médicaments dont vous aurez besoin. J’ai marqué
la posologie sur les flacons. Et il faudra changer ses pansements
régulièrement.
- Merci, Senseï. Merci pour
tout… souffla Tenshi.
- Je suis toujours ravie de pouvoir
aider le fils de ma chère Sachiko.
Une autre voix,
masculine, retentit soudain dans la pièce :
- Tenshi, il
faut partir ! Le jour ne va pas tarder à se lever.
- Je
viens !
Ilian se sentit soulevé, puis il comprit qu’on
le déposait sur un brancard et qu’on le transportait
hors de cet endroit inconnu. Alors que l’air frais de la nuit
l’enveloppait, il se sentit à nouveau emporté
dans l’inconscience.
***
Ils sortirent le
brancard de l’hélicoptère et le conduisirent dans
une petite chambre aménagée dans un recoin de la grotte
où ils rangeaient leur appareil. Tenshi voulait installer
Ilian dans sa propre chambre, mais Mike refusa :
- Même s’il
s’agit de l’homme que tu aimes, il reste le Voltigeur.
C’est trop dangereux de le laisser se promener en liberté
chez nous !
- Mais il sait déjà qui nous sommes ! Il
a dit mon nom avant de s’évanouir !
- Tenshi ! Tu as
vu ce que la Funambule a tenté de faire ! C’est trop
dangereux !
Le jeune homme soupira :
- Ok, tu as raison. Mais
je resterai ici avec lui. Je ne veux pas le laisser seul, enfermé
dans cet endroit inconnu.
- Si tu veux.
Tenshi mit des draps
dans le lit, puis, avec l’aide de Mike, il installa Ilian le
plus confortablement possible. Lorsqu’il eurent terminé,
le métis lança à son ami :
- Tu peux aller te
coucher, je veille sur lui.
- Ok. Si tu as besoin, appelle-moi
!
Lorsque Mike fut sorti, Tenshi alla s’allonger sur le lit,
à côté de son compagnon. Appuyé sur un
bras, il contempla longuement le visage paisible de son amant,
réfléchissant à tout ce qui s’était
passé depuis qu’ils s’étaient rencontrés
ce soir-là, en boîte. Ses doigts allèrent
remonter une mèche blonde qui s’était collée
sur le front d’Ilian, puis caressèrent tendrement sa
joue et ses lèvres.
***
Il avait repris
conscience alors que Tenshi s’installait près de lui. Il
garda les yeux clos, mais ne put s’empêcher de frissonner
lorsque les doigts de son compagnon parcoururent son visage. Trahi
par son propre corps, il se décida enfin à ouvrir les
yeux. Son regard plongea immédiatement dans les iris d’un
vert profond de Tenshi. Ils restèrent un long moment à
se fixer en silence, jusqu’à ce que le métis
demande :
- Comment tu te sens ?
- Fatigué… et
j’ai mal… mais ça pourrait être pire…
-
Ta blessure n’est pas trop grave, tu vas t’en
sortir.
Tenshi se tut un instant, puis souffla :
- Tu m’as
sauvé la vie…
Ilian hocha la tête
affirmativement, souriant timidement.
- Tu sais depuis longtemps ?
demanda soudain son compagnon en s’asseyant en tailleur sur le
lit.
- Quelques jours… Je te l’avais dit que je
reconnaîtrais te yeux n’importe où…
Lorsqu’on s’est battus sur le toit du musée, on a
été éclairés un court instant par
l’hélico… et là, j’ai su…
Ilian
détourna le regard, le posant sur le plafond blanc.
- Je ne
savais plus quoi faire… j’étais totalement perdu…
J’ai voulu tout arrêter, mais Vivian voulait absolument
faire ce casse… je ne pouvais pas la laisser tomber… je
n’aurais jamais cru qu’elle… qu’elle
tenterait de te tuer…
- Tu lui as dit ?
- Oui. Elle
voulait savoir pourquoi je ne répondais pas à tes
appels et pourquoi je ne sortais plus de chez nous... Je ne voulais
pas le lui dire, mais elle m’a agacé et ça m’a
échappé.
- Pourquoi tu fais ça ? Tous ces
vols, je veux dire… C’est pour l’argent ?
-
Même pas ! Je n’ai jamais touché un centime de ce
que Vivian a pu tirer du recel de ses prises.
Devant l’air
incrédule de son compagnon, il ajouta :
- Je sais que c’est
difficile à croire… mais c’est la stricte vérité
!
- Alors pourquoi ? Pourquoi prendre tous ces risques, défier
la loi et risquer la prison ?
Ilian soupira profondément.
-
Vivian m’a pratiquement élevé… Nos parents
étaient toujours partis sur des fouilles ou pour des
conférences et j’ai passé une bonne partie de mon
enfance seul avec ma grande sœur. Quand elle a commencé
à voler, j’ai bien sûr voulu faire comme elle.
Elle en profitait et se servait de moi pour faire le guet pendant
qu’elle piquait du maquillage ou des sucreries. Quand on a
grandi et qu’elle a commencé à viser « plus
gros et plus cher », comme elle disait, je l’ai suivie.
Ca m’amusait… même si je savais que c’était
mal, j’étais devenu accro aux décharges
d’adrénaline qui me traversaient à chaque fois.
Et puis, je ne me voyais pas la laisser tomber ! Même si
parfois – souvent – elle m’exaspère, Vivian
est ma sœur.
- Pourtant, tu m’as dit que tu voulais
tout arrêter quand tu as découvert pour moi…
s’étonna Tenshi.
- C’est la première
fois que j’ai quelqu’un dans ma vie qui est plus
important que Viv, plus important que tout… plus important que
ma propre vie…
Ilian sentit les larmes inonder ses yeux
mais ne fit rien pour les empêcher de couler.
- Je t’aime,
Tenshi… Je t’aime comme je n’ai jamais aimé
personne avant toi… Je voulais arrêter pour ne pas avoir
à te mentir et ne pas risquer de te perdre… mais je
crois qu’à présent, tout est fichu… par ma
faute…
Il ferma les yeux, ne pouvant plus soutenir le
regard intense du métis. Une boule de désespoir
opprimait sa poitrine, rendant sa blessure encore plus douloureuse
qu’elle ne l’était déjà. C’est
alors qu’il sentit les lèvres de Tenshi se poser sur les
siennes pour un très doux baiser. Ce geste, au lieu de
soulager son angoisse, ne fit que l'attiser. Il ne put retenir un
sanglot et, les mains tremblantes, il repoussa son
amant.
***
Tenshi se redressa, surpris de la réaction
de son compagnon. Il lui caressa tendrement le visage, essuyant les
larmes qui roulaient abondamment sur ses joues.
- Ilian... Quoi
que tu aies fait avant cet instant, je m'en fiche... Je t'aime
trop...
- Si tu connaissais... la... la vérité,
bredouilla le blond entre deux sanglots, tu ne dirais... pas ça...
-
Je suis sûr que ça ne peux pas être si terrible,
tenta de le rassurer le métis en souriant légèrement.
Son
amant ne répondit pas immédiatement. Il essuya son
visage humide du revers de la manche, puis prit une grande
inspiration avant de lancer :
- J'ai tué un homme !
Tenshi
se figea, sous le choc. Ilian détourna les yeux, puis reprit
:
- C'était il y a deux ans, le jour de mon anniversaire...
Vivian avait projeté de dévaliser une bijouterie du
centre-ville. Tout se passait bien, on avait pris ce qu'elle était
venue chercher et on s'apprêtait à repartir lorsqu'un
vigile a déboulé de nulle part. Il était armé
et a pointé son flingue sur Vivian. Je me tenais dans l'ombre
et, avec ma combinaison noire, il ne pouvait pas me voir. Je me suis
glissé le plus près possible et je me suis jeté
sur lui... on a roulé sur le sol... il tenait fermement son
arme... un premier coup est parti, la balle a dû atterrir dans
un mur. Il n'était pas très agile mais assez costaud et
j'avais du mal à prendre le dessus sur lui. Alors qu'on se
battait, un autre coup est parti... et cette fois, la balle s'est
logée dans sa poitrine... Je ne sais même pas comment
j'ai quitté la bijouterie... j'étais sous le choc... et
Vivian qui faisait comme si de rien n'était, comme si je
n'avais pas tué cet homme !
- Tu ne l'as pas vraiment tué,
souffla Tenshi. C'était un accident...
- C'était de
ma faute ! Si on ne s'était pas battus, il ne serait pas
mort... et ses deux petites filles auraient encore un père...
Les
larmes inondaient à nouveau les yeux d'Ilian. Cette fois-ci,
son compagnon se rallongea près de lui et l'attira dans ses
bras.
- Je me suis juré que je n'utiliserai jamais
d'arme... souffla le blond, le visage enfoui dans l'épaule de
son compagnon. Quand j'ai vu le revolver de Vivian, tout ça
m'est revenu en pleine figure... une fraction de seconde, je t'ai vu
mort...
- Chut... je suis là, bien vivant... et je ne
t'abandonnerai jamais... quelques soient les erreurs que tu aies pu
commettre avant, je t'aime et rien ne pourra changer ça...
Repose-toi, Ilian, je veille sur toi...
Tenshi sentit enfin son
compagnon se détendre entre ses bras. Quelques minutes plus
tard, le blond dormait profondément. Le métis tenta de
rester éveillé, mais la fatigue fut plus forte et finit
par l'emporter à son tour.
Ilian fut réveillé par la
douleur qui s’était remise à pulser dans son côté
droit lorsque les médicaments avaient cessé de faire
effet. Il se redressa lentement, grimaçant, tout en faisant
attention à ne pas réveiller Tenshi qui dormait encore
profondément près de lui. Le souffle court, le blond
réussit à s’asseoir au bord du lit, puis se leva.
Il jeta un coup d’œil autour de lui, vit à la
pendule sur le mur qu’il était presque midi et, avisant
une porte, il quitta la chambre. Il se retrouva dans un petit couloir
désert. Une autre porte donnait sur une salle de bains où
il alla soulager sa vessie et se passer un petit peu d’eau sur
le visage. Il baissa la tête pour regarder l’état
de sa combinaison que le médecin avait largement découpée
pour soigner sa blessure. Celle-ci s’était remise à
saigner lorsqu’il s’était levé. Il soupira,
grimaça à nouveau à cause de la douleur, puis
fit volte-face pour retourner dans la chambre. Alors qu’il
reposait le pied dans le couloir, il se trouva face à un homme
plus grand que lui, à la peau noire, qui le fixait d’un
air peu avenant. Il reconnut le parrain de Tenshi qu’il avait
vu en photo dans le bureau de son amant au Dojo et comprit qu’il
se trouvait en présence d’Eagleman.
- Bonjour…
bredouilla Ilian, les joues rouges.
- Vous comptiez aller où
?
- Nulle part… enfin, juste dans la chambre…
Ecoutez, je…
- Je ne veux rien savoir, votre vie ne
m’intéresse et ne me concerne pas. Mais je tiens à
vous prévenir : je veille sur Tenshi depuis la mort de ses
parents. Son père était mon meilleur ami et je le
considère comme mon propre fils. Si jamais vous lui faites du
mal, je vous jure que je vous tue de mes propres mains. C’est
compris ?
Ilian déglutit difficilement, puis répondit
:
- Compris… Je voulais juste vous dire que je l’aime…
et que si jamais je le fais souffrir, vous n’aurez pas à
vous salir les mains…
Ils restèrent un long moment à
se jauger du regard, refusant autant l’un que l’autre de
baisser les yeux. Leur échange silencieux fut interrompu par
l’arrivée de Tenshi. Le brun se tenait dans
l’encadrement de la porte, les cheveux en bataille, l’air
endormi.
- Qu’est-ce qui se passe ici ?
Ce fut Mike qui
répondit :
- Je faisais connaissance avec ton ami.
-
Ilian, tu ne devrais pas être debout ! le gronda le métis,
semblant ne pas remarquer l’animosité dont faisait
preuve son parrain envers son amant.
- J’avais besoin
d’aller aux toilettes, répondit le blond.
Il
rejoignit son compagnon qui s’effaça pour le laisser
entrer dans la chambre, puis alla se rallonger, fatigué par sa
petite promenade et sa courte discussion avec Mike.
***
Tenshi
referma la porte de la chambre, puis fit signe à son parrain
de le suivre hors du couloir. Une fois dans le hangar, il lança
:
- Je sais que tu n’aimes pas Ilian parce qu’il est
le Voltigeur…
Alors que Mike ouvrait la bouche pour
répondre, le jeune homme leva la main pour l’arrêter
et continua :
- Même si c’est un criminel, c’est
l’homme que j’aime. Je ne te demande pas de l’apprécier,
mais juste d’accepter sa présence. De plus, il est hors
de question que je le dénonce aux autorités. Et si tu
tentes quoi que ce soit à l’encontre de ma décision,
je pars avec lui si loin que tu ne pourras jamais me retrouver !
C’est compris ?
Mike soupira, puis souffla :
- Tu sais
qu’il va falloir qu’on s’occupe de la Funambule ?
Elle a essayé de te tuer, elle est dangereuse… et
maintenant qu’on a son complice, qui n’est autre que son
frère, tu crois vraiment qu’elle va rester sans réagir
? Je suis sûr qu’elle va tout tenter pour le
retrouver.
Tenshi n’était pas persuadé que son
ami ait raison, vu ce que son compagnon lui avait dit de Vivian. Mais
il savait qu’il y avait un risque infime que la jeune femme
décide de récupérer son frère coûte
que coûte.
- Pour l’instant, je vais aller changer son
pansement. On reparlera de tout ça ce soir.
- Ok.
Mike
s’éloigna vers les escaliers qui redescendaient dans la
maison. Tenshi le suivit des yeux, puis retourna dans la chambre.
Ilian s’était rendormi, étendu sur le côté
gauche. Le métis sentit une bouffée de tendresse
l’envahir en voyant l’air vulnérable de son
compagnon. Il s’accroupit à côté de lui,
puis caressa avec douceur la joue du blond qui ouvrit lentement les
yeux.
- Désolé de te réveiller, mais il faut
que je refasse ton pansement.
Il aida son amant à
s’asseoir, puis retourna dans la salle de bains chercher le sac
en papier où Tsuki avait mis tout ce dont il aurait besoin. Il
amena également un verre d’eau et commença par
donner à Ilian ses médicaments contre la douleur. Il
l’aida ensuite à ôter sa combinaison. Lorsqu’il
se retrouva en boxer, le blond demanda :
- Tu crois que je
pourrais bientôt prendre une douche ?
- Je pense qu’il
faut éviter de mouiller le pansement… j’appellerai
Tsuki, l’amie médecin qui t’a soigné, pour
lui demander.
Tenshi enleva ensuite le bandage souillé.
Alors qu’il nettoyait la blessure, prenant mille précautions
pour ne pas faire mal à son compagnon, celui-ci interrogea :
-
Qu’est-ce qu’on va faire pour Vivian ?
- Je ne sais
pas… Tu crois qu’elle va tenter de venir te chercher
?
Ilian ne répondit pas de suite, mais souffla finalement
:
- Je n’en sais rien… avant hier, je ne l’aurais
jamais crue capable de tirer sur quelqu’un… et pourtant…
Je n’arrive toujours pas à comprendre pourquoi elle a
fait ça… Aïe !
- Désolé !
s’excusa Tenshi.
Il termina de nettoyer la plaie puis refit
le bandage. Lorsqu’il eut fini, il demanda :
- Tu as faim
?
- Un peu.
- Rallonge-toi, je vais aller nous préparer
quelque chose à manger.
- D’accord.
Le métis
aida son compagnon à se réinstaller confortablement sur
le lit, le couvrit du drap et resta un instant à le contempler
avant de quitter la chambre.
***
Cela faisait trois
jours qu’Ilian vivait reclus dans la petite chambre. Malgré
la présence quasi-permanente de Tenshi à ses côtés,
il s’ennuyait. Sa blessure guérissait bien et il n’avait
presque plus mal. Ce matin-là, alors qu’il finissait de
prendre son petit-déjeuner avec son compagnon, il demanda :
-
Qu’est-ce que Mike et toi comptez faire de moi ?
- Que
veux-tu dire ?
- Vous allez me donner aux flics ?
- Il en est
hors de question ! s’indigna Tenshi.
- Je mérite de
payer pour mes crimes… souffla Ilian, touché par la
réaction de son compagnon.
- D’après ce que tu
m’as dit, c’est Vivian qui est responsable de tout. A ce
propos…
Le métis sortit son téléphone
de la poche de son jean :
- Elle a laissé un message sur
mon portable cette nuit…
- Quoi ?
- Elle a utilisé
le tien pour avoir mon numéro.
Il appela sa messagerie puis
mit le haut-parleur. La voix de la jeune femme s’éleva
dans la pièce :
- Est-ce qu’Ilian va bien ? J’ai
besoin de lui, rendez-le moi ! C’est mon frère ! Je sais
qui vous êtes et je saurai vous retrouver si vous lui faites du
mal ! Je suis prête à un compromis pour que vous me
rendiez mon petit frère. Appelez-moi sur son portable.
Ilian
n’en revenait pas. Il n’aurait jamais cru que sa sœur
tenait autant à lui.
- Tu crois qu’elle est sincère
? demanda Tenshi, le tirant de ses pensées.
- Aucune
idée…
Le métis se leva en soupirant et prit
le plateau pour le ramener dans la maison. Son compagnon lui demanda
soudain :
- Mike est là ?
- Euh… oui…
pourquoi ? s’étonna le brun.
- J’aimerais lui
parler… enfin, vous parler à tous les deux ensemble…
-
Ok. Suis-moi !
Ils quittèrent la chambre et se dirigèrent
vers la maison en passant par l’escalier secret qui descendait
depuis le hangar le long de la montagne.
Lorsqu’ils
arrivèrent dans la cuisine, Mike était en train de lire
le journal. Il leva les yeux et fronça les sourcils en voyant
Ilian. Celui-ci prit place sur le tabouret que lui désignait
son compagnon, puis lança :
- J’ai eu une idée
pour vous aider à attraper Vivian.
Incrédule, Mike
souffla :
- Et pourquoi vous feriez ça ?
- Je ne veux
plus qu’elle gâche ma vie… je veux qu’elle
aille en prison… peut-être que ça lui remettra
les pieds sur terre…
- Mais… si elle se fait
prendre… elle va te dénoncer ! s’exclama
Tenshi.
- Je te l’ai dit, je suis prêt à
assumer les conséquences de mes actes. Si je dois aller en
taule, j’irai…
Le métis allait répliquer
mais Mike fut plus rapide :
- Quelle est votre idée pour la
mettre hors d’état de nuire ?
- Un échange…
Je suppose que Tenshi vous a fait écouter le message qu’elle
a laissé sur son portable cette nuit ?
Le Noir acquiesça
d’un signe de tête.
- Vous allez l’appeler et
lui proposer de m’échanger contre les bijoux
Cartier…
Ilian détailla son plan. Lorsqu’il
eut terminé, Mike hocha la tête :
- C’est une
très bonne idée… mais vous êtes vraiment
sûr que vous voulez faire ça ? C’est votre sœur,
après tout…
Le jeune homme passa une main dans ses
cheveux blonds, soupirant :
- Je veux repartir à zéro…
devenir enfin quelqu’un d’honnête… quelqu’un
digne d’être aimé par un être aussi
formidable que toi, Tenshi…
- Je…
Le métis
se releva et s’approcha de son compagnon. Il se pencha pour le
serrer dans ses bras, lui murmurant à l’oreille :
-
Je ne veux pas te perdre… Je ne veux pas que tu ailles en
prison…
Ilian repoussa doucement son amant, puis lui sourit
:
- Je n’en ai pas vraiment envie non plus… Mais si
tu me promets de venir me voir et de m’attendre, ça me
donnera le courage d’assumer mes responsabilités…
-
Je te le promets, souffla le métis avant de l’embrasser
tendrement.
Au bout d’un moment, Mike toussota. Ils se
séparèrent en sursautant, tous les deux ayant oublié
qu’ils n’étaient pas seuls.
- Tenshi, passe-moi
ton portable. Il faut qu’on fasse ça ce soir, avant
qu’elle ait changé d’avis !
- Laissez-moi lui
parler, s’il vous plait… demanda Ilian. Je saurais si
elle est sincère ou non.
- D’accord. Mais mettez le
haut-parleur.
Le blond acquiesça. Il composa le numéro
de son propre téléphone et posa l’appareil sur la
table après avoir enclenché la fonction mains-libres.
-
Allô ?
- Viv, c’est moi.
- Ily !
Le jeune homme
grimaça mais ne la reprit pas.
- Comment tu vas ? demanda
sa sœur.
- Bien. Ma blessure n’était pas très
grave.
- Ils sont avec toi ?
- Oui. Ils sont d’accord
pour me laisser partir si tu rends les bijoux Cartier.
Il y eut un
blanc à l’autre bout du fil, puis la voix de Vivian
reprit :
- Ils veulent un échange ?
- Oui.
Ilian lui
laissa un moment, et, voyant qu’elle ne répondait pas,
il demanda :
- Viv ? Tu es d’accord ?
- Comment on fait
?
Le jeune homme donna les instructions à sa sœur.
Quand il eut fini, il raccrocha et leva les yeux vers Tenshi :
-
Elle ne veut pas me récupérer. Je l’ai entendu
dans sa voix, elle n’en a rien à faire de moi… Je
suis certain qu’elle va être armée et qu’elle
va tenter de vous tuer tous les deux.
- Eh bien, nous l’attendrons
! lança Mike en se levant. Venez, on va tout préparer
!
***
Tenshi était nerveux. Assis sur sa moto,
dissimulé dans les fourrés, il était prêt
à bloquer la retraite de Vivian mais avait un très
mauvais pressentiment. Tout au fond de lui, une angoisse sourde
montait peu à peu, rendant sa respiration difficile et faisant
pulser le sang à ses oreilles.
De l’autre côté
du pont qui surplombait la rivière tumultueuse, Mike et Ilian
attendaient dans la jeep. Il était minuit précises
lorsque le véhicule de la jeune femme s’engagea sur le
pont du côté où Tenshi était posté.
Il attendit qu’elle soit bien avancée pour la suivre,
tous feux éteints. Lorsqu’elle s’arrêta, il
stoppa sa moto à une dizaine de mètres derrière
elle, en travers de la route, lui coupant ainsi toute possibilité
de fuite. Les phares du 4x4 de Mike s’allumèrent alors
qu’il avançait à la rencontre de la Funambule.
Eagleman descendit du véhicule, puis en fit le tour et fit
sortir Ilian qui était assis sur le siège passager. Les
mains du jeune homme étaient entravées devant lui.
Vivian, vêtue de sa combinaison moulante, un sac sur le dos,
sortit à son tour de sa voiture, s’avança de deux
pas et stoppa.
- Ily, tu vas bien ?
- Oui. Pose les bijoux deux
mètres devant toi et recule jusqu’à ta
voiture.
La jeune femme obéit. Mike prit le bras d'Ilian et
le fit avancer jusqu'au sac.
- Ouvre-le !
Le blond obéit,
montra le contenu à l'autre homme, puis le lui donna. Eagleman
recula jusqu'à sa jeep mais Ilian resta dans la lumière
des phares, immobile.
- Qu'est-ce que tu attends ? Lança
Vivian, impatiente. Viens !
- Non, répondit simplement son
frère.
- Quoi ?
- Je ne viendrai pas avec toi, Viv. Tout
est fini...
- Qu'est-ce que tu racontes ? Viens ici tout de suite
!
- Non !
Tenshi profita du trouble de la Funambule pour se
glisser sans bruit dans son dos. Il banda ses muscles, s'apprêtant
à la ceinturer lorsqu'elle fit soudain volte-face et lui
planta le canon d'un revolver entre les deux yeux. Malgré la
pénombre, il pouvait voir une lueur de haine dans le regard
azur de la femme :
- Tout ça, c'est de ta faute !
-
Vivian, laisse-le ! Hurla son frère en s'approchant.
- Ne
bouge pas, Ily !
Le jeune homme obéit. Son arme toujours
braquée sur le visage de Tenshi, elle continua :
- Si tu ne
l'avais pas détourné de moi, Ilian serait toujours le
même ! On aurait pu continuer à voler comme avant ! Mais
il a fallu que tu lui mettes en tête cette idée de
m'abandonner... de tout abandonner...
- Il n'y est pour rien, Viv
! Ca fait plusieurs mois que je veux arrêter ! Même si je
n'avais pas rencontré Tenshi, j'aurais laissé
tomber.
Vivian fit signe au métis de se déplacer
vers la lumière. Il obéit, les mains levées, le
regard fixé sur l'arme qui était toujours pointée
sur lui.
- A genoux ! Les mains sur la tête !
Tenshi
obéit à nouveau. Il savait que Mike se tenait prêt
à agir, mais qu'il ne pouvait rien faire tant que Vivian le
tiendrait en joue. Sans le quitter des yeux, la jeune femme lança
à son frère :
- Maintenant, je vais me débarrasser
de lui une fois pour toutes ! Et comme ça, on pourra continuer
comme avant, plus rien ne nous en empêchera...
Le métis
vit du coin de l'œil son compagnon s'approcher et s'arrêter
juste à côté de lui.
- Si tu le tues, plus
rien ne sera comme avant, Viv... parce que si tu le tues, je te jure
que je me jette du haut de ce pont...
Surprise, Vivian leva les
yeux vers son cadet, détournant ainsi, une fraction de
seconde, son attention de Tenshi. Celui-ci en profita pour plonger au
sol. Il entendit une détonation et, lorsqu'il releva la tête,
il vit une fléchette soporifique plantée dans la
poitrine de la Funambule, en plein dans le cœur. Elle lâcha
son arme et tituba en arrière. Le métis comprit
immédiatement que le somnifère n'était pas
entièrement entré dans son organisme. Normalement, elle
aurait du s'effondrer instantanément, mais là, même
si elle était groggy, elle était toujours consciente.
Elle recula encore, s'approchant dangereusement du parapet.
-
Non... je n'irai pas en prison ! JAMAIS ! Hurla t'elle.
Malgré
son état, et avant que les trois hommes aient eu le temps de
réagir, elle sauta sur la rambarde du pont et plongea dans les
eaux sombres, presque cinquante mètres plus bas.
- NON
!
Ilian se précipita, mais la jeune femme avait déjà
disparu dans le fleuve. Le blond se laissa glisser au sol, sous le
choc. Son compagnon s'agenouilla à côté de lui et
le prit dans ses bras.
- Je vais aller prévenir les
autorités, lança Mike, les laissant seuls.
Tenshi
déposa un baiser dans les cheveux d'Ilian et souffla :
-
Elle a pu s'en sortir...
Son amant ne répondit pas, se
contentant d'enfouir son visage dans le cou du métis. Celui-ci
était partagé entre deux sentiments contradictoires :
la sollicitude envers la tristesse qu'éprouvait son compagnon
et le soulagement à l'idée que Vivian ne pourrait plus
jamais se mettre en travers de leur amour.
Cela faisait une semaine que Vivian
avait disparu. Les deux premiers jours, Ilian avait gardé
espoir qu'elle soit toujours en vie, mais lorsque les autorités
avaient cessé les recherches, il s'était résigné.
Même si elle lui avait fait du mal, elle restait sa sœur
et, tout au fond de lui, il souffrait de sa mort. Le plus dur avait
été le moment où il avait dû appeler ses
parents au Caire pour leur annoncer l'horrible nouvelle. Il avait dû
leur mentir, il ne pouvait pas se résigner à leur
avouer que Vivian était une criminelle... et qu'il en était
un également...
Ses parents prirent le premier avion pour
rentrer aux USA. Ilian leur annonça qu'il ne vivrait plus dans
leur maison. Il ne pouvait plus rester dans cet endroit qui lui
rappelait sans arrêt ce qu'avait fait Vivian. Compréhensifs,
ils mirent la demeure en vente.
Ilian suivit des yeux l'avion
qui roulait sur le tarmac, prêt à décoller pour
ramener ses parents au Caire. Il était seul, il n'avait pas
voulu que ses géniteurs rencontrent Tenshi, il n'était
pas prêt à leur parler de lui, pas après ce qui
était arrivé. Il soupira, puis quitta l'aéroport.
Il monta dans un taxi, lui donna sa destination et ferma les yeux.
Quelques minutes plus tard, il descendit du véhicule, puis
remonta lentement l'allée. Il s'arrêta devant la pierre
tombale qui surplombait un cercueil vide. Depuis que Vivian était
tombée dans le fleuve, il n'avait pas pleuré. Pas une
seule larme n'avait coulé sur ses joues. Son cœur était
noyé de chagrin, mais il ne parvenait pas à l'exprimer.
Il se laissa tomber assis sur le sol, murmurant :
- Je suis
désolé... je ne voulais pas que ça se termine
comme ça... tu avais beaucoup de défauts... je t'ai
parfois haïe... mais tu étais ma sœur... et je
t'aimais... pardonne-moi, Vivian...
Il entendit des pas derrière
lui, mais ne se retourna pas. Il savait de qui il s'agissait. Il ne
bougea pas non plus lorsque l'autre personne s'accroupit à ses
côtés et qu'il se retrouva enlacé entre des bras
puissants. Il gémit :
- Tout est de ma faute...
- Ne dis
pas ça... souffla la voix de Tenshi au creux de son oreille.
-
Pourtant, c'est la vérité... J'aurais dû faire
quelque chose...
- Tu ne pouvais rien faire. Je t'en prie, ne te
tortures plus avec ça... mon amour...
La boule de chagrin
qui compressait le cœur d'Ilian explosa soudain. Il fondit en
larmes entre les bras de son compagnon, le corps secoué de
violents sanglots. Tenshi le serra un peu plus fort, lui caressant
les cheveux et lui murmurant des mots de réconfort. Ils
restèrent ainsi un long moment, jusqu'à ce qu'Ilian
parvienne à retrouver son calme. Il essuya son visage humide
d'un revers de la manche, puis se releva avec l'aide de son amant.
-
Rentrons, souffla celui-ci.
Le blond le suivit sans un mot. A la
sortie du cimetière, il s'arrêta soudain, surprenant le
métis qui demanda :
- Qu'y a t'il ?
- Je veux quitter
cette ville !
- Mais pour aller où ?
- Je ne sais pas...
n'importe où... ailleurs... pas pour toujours, mais juste le
temps que j'arrive à me pardonner ce qui s'est passé...
Tenshi
l'enlaça à nouveau et sourit :
- J'ai toujours rêvé
de traverser les USA à moto... Si tu penses être capable
de me supporter pendant de longs mois...
- Je ne veux pas
t'obliger à partir. Je sais que tu as le Dojo et... le
reste...
- Ne t'en fais pas pour ça. Mes employés
sauront bien faire tourner le Dojo sans moi... et pour le reste, je
pense que Mike se débrouillera.
- Il risque de ne pas
apprécier...
Le métis haussa les épaules :
-
Et alors ? Ce n'est pas sa vie, c'est la mienne... c'est la notre...
Je t'aime trop pour te laisser partir sans moi.
Ilian sourit
enfin, rassuré. Avec Tenshi à ses côtés,
il était prêt pour ce nouveau départ.
Fin.