Endless night



Chapitre 1



Kraven, debout sur le toit, huma l’air de la nuit. Il sentait le vent frais caresser sa peau blanche, faire voler les pans de son manteau de cuir noir derrière lui. La lueur blafarde de la pleine lune rendait plus fantomatique encore sa silhouette élancée. Un observateur extérieur aurait pensé voir un ancien dieu de la nuit, dominant sa création. Depuis son perchoir, Kraven se fendit d’un grand sourire qui dévoila des dents aiguës et presque trop blanches pour être réelles, faisant un contraste flagrant avec son manteau d’un noir de jais.

"Une belle nuit comme ça, ça me donne envie de boire du sang…"

Il se retourna dans un claquement de cuir et descendit de l’immeuble.

OoOoOoOoOoOoOoO

Sylvius, appuyé au bar d’une des boites les plus underground de la ville, sirotait un cocktail en regardant d’un œil aguicheur les corps qui se trémoussaient sur la piste. En voyant arriver Kraven, Sylvius se mordit la lèvre inférieure, il avait enfin trouvé sa proie de la nuit. Mais, quand il croisa le regard rubis de l’inconnu, il se sentit immédiatement passer du statut de chasseur à celui de chassé. L’homme dégageait une telle impression de force, de puissance que le jeune homme se sentit soudain aussi fragile qu’un petit animal pris au piège. Kraven s’approcha du bar et commanda sa boisson sans regarder le barman, ses yeux couleur de sang plongés dans ceux, bleu électrique, du garçon. Sylvius déglutit difficilement et tenta de détourner les yeux, de jouer l’indifférence, mais ses yeux étaient happés par le regard intense de l’inconnu assis à coté de lui. Kraven ayant fini sa boisson, il reposa son verre et sourit au garçon, dévoilant ses dents aiguës. Le cœur de Sylvius battait la chamade, il ne pouvait plus détacher son regard de l’inconnu, tout autour de lui avait disparu, plus rien n’avait d’importance que l’homme qui se tenait en face de lui. La musique ne lui parvenait plus que sous la forme d’un brouhaha affadi. Les couleurs ne lui apparaissaient pus que par des nuances de gris, sauf ces yeux, rouges, si rouges. Quand Kraven s’approcha de lui pour se faire entendre, il faillit défaillir, et quand il lui murmura de venir avec lui dans un endroit plus calme afin de « mieux faire connaissance », cette voix chaude et suave l’emplit tout entier et coula en lui comme un baume bienfaisant. Le garçon prit la main de l’homme et se laissa entraîner hors de la discothèque, dans une ruelle sombre, aussi docile qu’un chien en laisse. Arrivé au bout d’une impasse déserte, Kraven prit sa proie par la nuque et l’embrassa fougueusement. Sylvius était comme hypnotisé, spectateur incapable d’arrêter l’homme dont les mains couraient déjà sous ses vêtements. Kraven passa derrière son amant et lui arracha sa chemise, tout en lui mordant le lobe de l’oreille. La pointe de douleur qu’avait ressenti le garçon sous la morsure s’estompa en un instant pour laisser place au plaisir que lui procuraient les mains, froides, si froides, de l’homme. Celui-ci lécha la goutte de sang qui perlait à l’oreille du jeune homme et lui souffla :

"Ton sang a le goût du désir, j’aime ça."

La bouche vermeille de l’homme descendit sur la gorge du garçon et ses deux canines acérées s’enfoncèrent dans la chair tiède. Le nectar écarlate coula dans la bouche de l’homme qui but avec avidité jusqu’à la dernière goutte du fluide de vie. Sa soif apaisée, le vampire laissa tomber le corps inanimé de sa victime sur le sol humide de la ruelle sordide.

OoOoOoOoOoOoOoO

Quand Sylvius se réveilla, la nuit lui parut plus claire, pourtant il savait qu’il faisait nuit noire, qu’il n’aurait normalement pas dû voir plus loin que le bout de son nez. Son esprit était vidé de tous ses doutes, de ses contraintes bassement humaines. Il se sentait plus vivant que jamais. Il se releva et vit son amant d’une nuit, assis sur une poubelle, le regardant avec un sourire. La nuit l’attirait, l’accueillait en son sein. Le fils de la nuit lui tendit la main, qu’il prit, il sentait que sa force avait décuplé.

"Bienvenu dans le monde des ténèbres, petit, je suis Kraven."

"Sylvius."

Kraven attira son nouveau compagnon contre lui, lui faisant sentir toute la force de son expérience, de ses centaines d’années passées dans la nuit éternelle, et l’embrassa, plus sensuellement que la première fois.

"Tu es à moi, désormais, et pour l’éternité."

Sylvius se sentait encore une fois submergé par cette sensation de puissance infinie, de force à l’état brut.

"Oui, mon maître." Dit-il en baissant les yeux.