Chapitre 2



Une magnifique Bentley noire s'arrêta en crissant des pneus devant le commissariat. Pas que l'Homme ne sache pas comment freiner et se garer sans aucun bruit, non il trouvait juste que le crissement des pneus sur le gravier sonnait atrocement classe…l'Homme avait un goût particulier pour les entrées théâtrales.

Il sortit de la voiture garée sur une place miraculeusement libre pile poil devant la porte du commissariat, suivi par un garçon un peu plus jeune. Pour des observateurs extérieurs ils auraient pu passer pour deux frères, même s'ils ne ressemblaient pas beaucoup, le plus âgé, la chevelure flamboyante et élancé, souriait comme si le monde lui appartenait, et il arpentait la rue comme un prédateur en chasse.

Le jeune en revanche, brun comme un morceau de charbon dessiné à l'encre de Chine, était ramassé sur lui même et ses yeux trahissaient un mépris certain de l'humanité dans son ensemble.

Mais malgré leurs différences il régnait entre eux une sorte de compréhension quasi palpable, comme s'ils voyaient les choses de la même façon, et la petite lueur au fond de leurs yeux était la même…celle de quelqu'un qui se joue de la vie et de la mort.

Les deux pénétrèrent dans le commissariat mais au moment où ils passèrent la porte, un changement pas vraiment subtil s'opéra. Le garçon de pâle, frêle et désabusé passa instantanément à pâle, frêle et tremblant. Son regard se fit voilé, des cernes se dessinèrent sous ses yeux, et son uniforme parfaitement lisse devint froissé et déchiré par endroit.

Le plus vieux pâlit à vue d'œil, et dans ses yeux un mélange de peur panique et de haine froide s'installa. Ses mains légèrement tremblantes étaient désormais posées sur les épaules du plus jeune.

Ils rencontrèrent bien vite une jeune flicette indéniablement émue par leur sort, et le garçon raconta en bafouillant et sanglotant ce que cet horrible professeur lui avait fait, comment il l'avait…touché…

Pendant tout ce temps le plus vieux bouillonnait d'une rage intérieure, apparemment bien décidé à faire payer à ce vieux pervers ce qu'il avait osé faire à son ti frère adoré. La jeune femme promit de faire parvenir leur cas sur le haut de la pile au procureur de la République, et les deux hommes filèrent.

En sortant du bâtiment pour retourner à la voiture, les deux reprirent leurs attitudes normales, et le plus vieux, une main toujours posée sur l'épaule du plus jeune, demanda :

"Dis Yesod?"

"Ouais?"

"Il a fait quoi de mal pour avoir droit au procès?"

"J'en avais marre…pis ses cours étaient chiants…vivement le prochain…"