II. Connaissances

            Après quelques heures pendant lesquelles on leur présenta leur nouveau lycée, leur pensionnat, leur emploi du temps, leurs profs et tout ce qui s’en suivait, les élèves furent finalement libérés. La salle leur était  confiée pour une heure supplémentaire, pour ceux qui souhaitaient rencontrer leurs nouveaux camarades, mais ils pouvaient tout aussi bien disposer de la cour et du jardin du lycée. Sans compter le pensionnat, bien sûr. Lionel soupira en regardant le plan qu’on venait de leur donner.

- Ils auraient pu nous envoyer ça avec les papiers d’inscription, ç’aurait été plus facile...

- Chaque année des nouveaux se trompent et vont au pensionnat, tu sais...

- Ah oui ?

- Yes. Mon frère est en terminale, donc je suis assez au courant, en fait ! ^___^.

- Ok... Moi c’est Lionel.

- Eric.

La discussion se poursuivit encore un bon moment, et les deux garçons finirent par manger et rejoindre le pensionnat ensemble, tout en continuant à parler et à faire ainsi connaissance. Il en résulta donc que Eric était le fils du pdg d’une importante compagnie de télécommunication, promu à un grand avenir même s’il foirait ses études, tandis que Lionel de son côté n’en était là que grâce à son intellect, et à une bourse de mérite. Mais malgré ces différences sociales, ils sympathisèrent bien vite, et se donnèrent rendez-vous pour le lendemain. Cependant, compte tenu de leur revenus, ils ne logeaient pas dans le même bâtiment. Ils se séparèrent donc, et Lionel découvrit sa chambre seul. A dire vrai, elle était plus spacieuse que  ce à quoi il s’attendait, et le mobilier était plutôt pas mal, et pratique. De plus, il avait la chance d’avoir un grand lit, ce qui ne le changerait donc pas de ses habitudes. Des étagères au dessus du lit et d’un bureau de taille moyenne, des rangements encastrés dans le mur et une petite bibliothèque vide, voilà ce que serait son quotidien à présent. Car il ne pourrait se permettre de rentrer chez lui dans l’année. En revanche, la salle de bain et les toilettes seraient en commun avec l’étage et la cuisine avec le bâtiment entier, même s’il ne s’en servirait probablement que le week-end, et certains soirs. Il entra et poussa un soupir d’aise en s’asseyant sur le lit. Le gardien avait eu la gentillesse de faire monter ses bagages dans sa chambre. Ce qui était heureux, car il les avait complètement oubliés jusque là. Finalement, il se mit au lit et dit de beaux rêves jusqu’au lendemain, où il les oublia instantanément.

 

* *** *

 

La seconde journée, qui était en réalité la première journée de cours, se passa plutôt bien. Lionel et Eric choisirent de se placer l’un à côté de l’autre, et firent pendant la pause la connaissance d’Armand, dont les cheveux presque décolorés ne passaient pas inaperçus, bien que ce fut naturel chez lui. Ce garçon était moins à l’aise que les deux autres quand il s’agissait de se faire des amis, mais ceux là étaient plus que sociables, et le prirent immédiatement sous leurs ailes. Lorsque l’heure du repas sonna, Lionel eut pourtant une surprise peu sympathique en découvrant que les plats n’avaient pas tous le même prix, et donc, qu’il devrait se restreindre à toujours choisir les moins onéreux. Mais après avoir touché à son repas, ces mauvaises pensées s’envolèrent, car la cantine était en réalité plutôt bonne... Rien à voir avec ce qu’il mangeait à son collège ! Pendant le repas, ils apprirent qu’Armand était le fils d’un artiste peintre et d’une actrice italienne. C’était apparemment surtout ses notes en matières dites « littéraires » qui étaient très bonnes. Il leur restait encore une heure avant la reprise des cours, et ils choisirent donc de s’installer dans le parc en attendant quatorze heure. Mais alors qu’il allait reposer son plateau, Lionel se retrouva nez à nez avec l’homme de la veille. Il le regarda une demi-seconde, surpris, quand celui-ci lui murmura en le transperçant du regard :

- Je te trouve encore sur mon chemin....

Sa voix était toujours aussi froide. Lionel baissa les yeux et s’écarta pour rejoindre ses amis, qui avaient tout vu de la scène. Quand ils lui demandèrent ce qui s’était passé, il leur répondit franchement en leur racontant l’épisode précédent. Quand il eut fini son récit, Eric lui parla en ces termes :

- T’as pas de chance, toi... Tu sais qui c’est ce type ?

- .. Non ?

- Sandro Vadillo. Il est en terminale S. C’est le fils de la famille Vadillo. Et probablement le futur héritier de leur empire financier. C’est une légende ce gars. Sa famille est milliardaire, il est beau comme un dieu, toujours sérieux... La moitié des filles l’adulent.

- Oui, bah si son seul mérite c’est son argent et son physique...

- Non, c’est aussi un cador en cours... Mais si j’étais toi j’éviterais de m’y frotter. En seconde, il paraît qu’il a envoyé à l’hosto deux types qui tentaient de le racketter... ajouta-t-il en baissant la voix.

Une moue apparue sur le visage de Lionel. Peu lui importait qu’il soit le fils d’un empire, ou la reine de Sabbat. Mais ce qui l’embêtait, c’était plutôt le fait qu’il se montre si hautain, et si violent. Après tout, ça arrivait à tout le monde, un jour, de rentrer dans une autre personne, non ? Même si sa maladresse innée semblait le disposer à ce genre de choses naturellement. Y’avait pas de quoi s’énerver, il n’avait rien cassé... rien fait de mal... La discussion avait déjà évolué dans un autre sens le temps qu’il relève la tête de ses pensées, et il passa à autre chose. Le reste de la journée se passa sans encombre, d’autant que l’après-midi était réservé à la présentation des diverses options praticables, qui allaient des activités les plus simples, aux plus luxueuses. Ils avaient deux semaines avant de se décider, et pouvaient changer d’avis à tout moment, leur disait-on. Mais certaines d’entre elles étaient payantes, réservées ainsi à l’élite financière.